La défunte Koutla démocratique, créée au milieu des années 90 par quatre partis (USFP, Istiqlal, PPS et OADP devenue PSU), pour accélérer le processus de démocratisation du pays, renaitra-t-elle, enfin, de ses cendres ? S’il est presque sûr que cette Koutla ne reviendra jamais sous sa forme initiale pour des considérations politiques actuelles, il n’en demeure pas moins qu’un bloc démocratique, semblable à la Koutla, serait en cours de construction entre des forces politiques de gauche pour insuffler un nouvel élan à la pratique politique dans notre pays. Deux grands partis, en l’occurrence l’USFP et le PPS, ont annoncé récemment un rapprochement stratégique en lançant un plan d’action et de coordination politique commune.
Action unie
Présentée comme un front national ou encore un mouvement sociétal patriote pour fournir une alternative à la situation actuelle, le rapprochement entre les deux partis vise, selon leurs dirigeants, à combler la faiblesse du rendement politique de l’Exécutif, à faire face à l’insuffisance de la communication gouvernementale et à l’hégémonie numérique de la majorité. Ouverte à d’autres forces politiques et syndicales et même associatives de la société civile marocaine, l’initiative socialiste progressiste plaide pour une action unie pour porter un projet politique qui soit à la hauteur des attentes du peuple marocain.
Dans la déclaration conjointe signée par les leaders des deux formations politiques, à savoir Driss Lachgar, premier secrétaire de l’USFP et Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS, il est signalé que même le PJD dont la représentativité à la chambre des représentants est réduite à 13 sièges alors qu’il en avait 125 pendant la précédente législature, est invité à se joindre à la nouvelle initiative. Une invitation qui vise à alléger l’isolement du parti de Abdelilah Benkirane dont l’influence a considérablement chuté sur la scène politique nationale depuis les dernières élections du 9 septembre 2021. L’USFP et le PPS ont fait le constat non seulement d’une hégémonie numérique de la majorité dans les deux chambres du Parlement, ce qui a provoqué un affaiblissement de l’opposition, mais ils ont souligné que les résultats des dernières élections, au niveau national, régional ainsi qu’au niveau de la formation des conseils des collectivités territoriales, ont été obtenus avec des méthodes et pratiques corrompues, ce qui a fortement nui à la vie institutionnelle dans notre pays.
Si l’usage de l’argent dans ces élections avait été évoqué par certaines ONG et autres groupements associatifs, force est de constater que l’accusation de la corruption est désormais officiellement établie par les deux partis de gauche qui ne cachent pas leur exaspération et leur colère quant à la faiblesse de ce gouvernement qui ne parvient pas à résoudre les crises dans lesquelles est plongé notre pays. La crise des enseignants en est un exemple saillant. « Comment tolérer une grève qui a duré plus de trois mois durant lesquels l’école publique a été totalement paralysée ? », s’est notamment indigné un dirigeant de l’USFP pour qui le temps long qu’a duré cette crise des enseignants est une preuve tangible de l’incapacité du gouvernement à résoudre les problèmes des Marocains.
Intérêts supérieurs
Le premier secrétaire du parti de la rose, Driss Lachgar, stigmatise un déséquilibre anormal des institutions du pays avec une majorité parlementaire écrasante numériquement et qui ne laisse pas aucune chance à l’opposition de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir. « L’opposition actuelle n’a même pas le droit de constituer une commission d’enquête parlementaire », a notamment déploré le dirigeant socialiste qui a évoqué le discours de SM le Roi Mohammed VI lors de l’ouverture de la première session de la troisième année législative de la 9ème législature en 2013 dans lequel le Souverain avait appelé à « l’adoption du statut de l’opposition parlementaire afin que celle-ci puisse remplir son rôle de contrôle du gouvernement, de formulation d’une critique constructive et de la présentation de propositions et d’alternatives réalistes au service des intérêts supérieurs du pays ».
Dix ans plus tard, ce statut n’a pas encore vu le jour. Mais la question qui se pose : les autres partis de l’opposition, notamment l’UC et le PJD, seront-ils tentés de rejoindre la nouvelle initiative socialiste ? Rien n’est moins sûr bien que tout porte à penser que face à un rôle affaibli de l’opposition, celle-ci est en effet appelée à se renforcer et à s’unir pour avoir une action plus efficace. Pour plusieurs observateurs, l’alliance entre l’USFP et le PPS est une préparation pour les futures élections prévues en 2026. Un plan politique qui s’annonce probablement ambitieux pour reconquérir le pouvoir.