Quand le citoyen subit l’incompétence d’un Exécutif dépassé

Gestion de la crise sanitaire


Avec ses décisions hâtives, le gouvernement met en péril une économie marocaine qui semblait reprendre son souffle. Et s’il renforçait ses contrôles sur le terrain et imposait l’application de la loi, au lieu de «punir» les Marocains?

Mehdi, 35 ans, animateur commercial dans une multinationale. En mission le week-end dernier à Agadir, il s’est retrouvé bloqué deux jours dans la ville avant de pouvoir rejoindre ce matin Casablanca. Deux jours de calvaire entre attentes, incompréhension et manque de visibilité, Mehdi a dû relancer des dizaines de fois les autorités locales, notamment le «Bacha», pour pouvoir se procurer le fameux sésame qu’est l’autorisation de circulation et pouvoir, enfin, rejoindre son bureau à Casablanca.

Pour les prochains jours, notre jeune cadre ne sait pas comment gérer son réseau commercial, situé dans les principales villes du pays, dont Marrakech et Tanger, où les déplacements sont désormais interdits. Une situation qui va générer un énorme manque à gagner pour l’entreprise, qui réalise un important chiffre d’affaires lors de cette période de fêtes. Si cette multinationale spécialisée dans l’électroménager, notamment les réfrigérateurs, a commencé à souffler grâce à la reprise de son activité ce mois de juillet, aujourd’hui elle est dans l’attentisme, son réseau de distribution ayant été fortement impacté par la décision du dimanche. Une décision qui a pris tout le monde de court.

Des Mehdis, ils sont plusieurs dans les principales villes du pays qui se sont retrouvés soit bloqués, soit malmenés dans cette bureaucratie propre à nos administrations. «Cela fait deux jours que j’attends cette autorisation. J’appelle le Bacha, il ne répond plus. Je reste presque toute la journée à attendre. Je n’ai pas de quoi subvenir à mes besoins, je n’ai pas où loger et je dois me rendre d’urgence à Casablanca pour être au chevet de ma mère alitée», nous témoigne, sur un ton désespéré, Ghita, bloquée à Berrechid. Cette exaspération et cette incompréhension ont gagné les hôteliers aussi. Alors que le Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, a récemment appelé les Marocains à encourager le tourisme interne en voyageant, voilà qu’il leur fait payer cher cette solidarité.

Dans les plages du Nord du Maroc, le calme et la bonne ambiance ont laissé place à une pagaille inouïe, lorsqu’à 19h30, les estivants ont appris qu’ils risquaient de rester bloqués et se sont rués vers leurs voitures pour prendre la route. Les scènes de chaos qui ont suivi ont fait le tour des rédactions et plateaux télé étrangers. «Les opérateurs touristiques sont à bout. La semaine de l’Aïd était l’occasion pour se refaire un peu. Avec l’interdiction de se déplacer, beaucoup d’hôtels voient leur taux de remplissage passer de 90% à 15%», a twitté, hier, Aziz Cherif Alami, DG d’Atlas Voyages. Pour lui, «la colère ne vient pas de la perte de 90% du chiffre d’affaires depuis mars et certainement jusqu’en octobre, mais plutôt du fait qu’il n’y ait pas de décision planifiée concertée et surtout aucun interlocuteur valable».

Et ce n’est pas notre Chef du gouvernement qui le contredira, lui-même ayant déclaré, lors d’un passage télévisé, ne disposer d’aucune vision. Sur ce point, l’indulgence peut être de mise vu l’incertitude qui caractérise cette pandémie et son évolution. Cependant, la gestion de la crise sanitaire par l’Exécutif, même si à ses débuts elle était irréprochable, aujourd’hui elle manque de transparence, d’efficacité, de pragmatisme et laisse place à l’improvisation. Une gestion hasardeuse qui séquestre tout une population dans son manque de visibilité pour les jours, semaines et mois prochains.
Sur le plan personnel ou professionnel, personne ne sait plus quelle décision prendre.

D’ici le 10 août, ou la fin du mois, est-ce qu’il y aura un reconfinement de tout le pays, une fermeture des frontières serait-elle envisageable? Personne ne le sait et en attendant, les Marocains mettent en veilleuse leurs projets, les hommes d’affaires leurs investissements et les MRE et touristes leur voyage au Maroc. Des dizaines de milliards de dirhams de pertes en perspective pour une économie déjà asphyxiée.

Et si, au lieu de «punir» le citoyen lambda, le gouvernement ne gagnerait-il pas à se remettre en question? Pourquoi a-t-il lâché du lest et fermé les yeux sur plusieurs manquements notamment par les industriels, causant des dizaines de foyers épidémiques. Pourquoi les forces de l’ordre se font-elles désormais rares dans les rues, un lâcher prise qui laisse la porte ouverte au non-respect par certains citoyens des mesures sanitaire, notamment le port du masque? Un laisser-aller qui a coûté cher au Maroc et aux Marocains bloqués et exaspérés. Jusqu’à quand ?

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