"CHER KOUBI ATAY" : De hit viral à sujet de controverse judiciaire

La chanson «Cher Kbi Atay», des rappeurs Youssef 45 et Amine, a rapidement évolué d’un succès musical qui a fait des millions de vues à un symbole de débat national sur la liberté d’expression. Détails.


"Cher Koubi Atay", à l’origine juste un morceau de rap, comme tant d’autres, imprégné des rythmes captivants traditionnels du Maroc, chanté par Youssef 45 et Amine, des jeunes d’un quartier défavorisé de Fès, a rapidement déclenché une tempête médiatique qui a secoué le pays bien au-delà de ses paroles.

Loin de se limiter à sa mélodie, c’est le lyrisme audacieux et provocateur de la chanson qui a mis le feu aux poudres, divisant l’audience entre admirateurs et détracteurs. D’abord célébré, grâce à des millions de vues, pour son originalité, le son captivant et son authenticité dans l’expression des frustrations de certains jeunes marocains, le titre a ensuite été mis sous les projecteurs pour des raisons moins artistiques.

Les paroles, jugées provocatrices par certains, ont attiré l’attention non seulement des fans de musique, mais aussi des associations de protection des enfants, des mineures et des femmes, et par la suite des autorités. Ce qui a commencé comme un succès viral s’est rapidement transformé en une affaire judiciaire, les artistes se sont retrouvés en prison, déclenchant ainsi une nouvelle vague de buzz et d’indignation publique. En effet, la Cour de première instance de Fès a inculpé les deux jeunes rappeurs, Youssef et d’incitation à la débauche des mineurs et d’utilisation de médias électroniques pour commettre des délits.


Exploitation sexuelle des mineures
Le débat sur le web marocain ne s’est concentré alors que sur la question de la liberté d’expression, mettant en lumière la limite parfois floue entre l’art et la loi . «Cher Koubi Atay» qui n’était qu’une simple vidéo de jeunes rappeurs est devenu un symbole des tensions entre la jeunesse marocaine qui cherche à s’exprimer et un soi-disant système qui peine à canaliser cette expression sans la réprimer. Ainsi, les réactions étaient partagées. D’un côté, certains applaudissent l’intervention de la justice, y voyant une nécessaire protection des jeunes internautes.

Mohammed M. jeune avocat, a souligné sur son compte Facebook public que malgré son fort soutient de la liberté d’expression, il reconnaît que la condamnation à deux ans de prison pour les créateurs de la chanson «Cher Koubi Atay» semble excessive mais justifiée du point de vue légal à cause des paroles qui encouragent explicitement l’exploitation sexuelle des mineures. Le jeune avocat a souhaité toutefois une réduction de la peine en appel, tout en soulignant que de telles expressions, même artistiques, ne sont pas acceptables et seraient probablement condamnées aussi dans les pays occidentaux, pris souvent comme des exemples pour la liberté d’expression.

D’autres personnes n’ont pas tardé à critiquer une apparente sévérité du jugement, jugé disproportionné par rapport aux accusations liées aux paroles de leur chanson. Les commentateurs soulignent l’injustice d’une telle mesure pour des individus issus de milieux défavorisés, sans ressources ni soutien juridique alors que d’autres rappeurs utilisent le même langage et apparaissent même sur scène en consommant de l’alcool, du weed etc… Certains ont abordé la question avec humour et satire, à l’instar du créateur de contenu Youssef Halim, qui compte près de 90.000 abonnés. Il a publié une vidéo où il met en lumière plusieurs autres chansons marocaines qui, suivant la même logique, pourraient tout aussi bien valoir à leurs interprètes des poursuites judiciaires.

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