Brahim Ghali pourchassé par la justice espagnole
Ce devait être -encore- une de ces «grand-messes» où les ennemis du Maroc se voient offrir une opportuniste tribune par certaines parties non moins hostiles au Royaume. Le 17 novembre 2016, le secrétaire général du Front populaire de libération de Saguia El Hamra et du Rio de Oro (Polisario), Brahim Ghali, était attendu dans la ville de Barcelone, en Espagne, pour déverser une nouvelle fois sa bile à l’encontre de ce qui demeure son seul et unique pays, qu’il le veuille ou non, et ressasser son sempiternel refrain séparatiste, d’«indépendance» du Sahara, en usant comme toujours, comme on peut s’y attendre, des mêmes affabulations rhétoriques.
Des preuves accablantes
C’était cependant sans compter sur la justice espagnole, dont la plus haute instance, la Audiencia nacional, ouvrait à deux jours de l’«événement», le 15 novembre 2016, une procédure pénale contre l’intéressé. Ce dont on l’accuse? «Assassinats», «tortures», «disparitions», «détentions arbitraires», «actes de terrorisme»... et la liste est encore longue.
Car oui, celui que l’on veut présenter comme un parangon de l’autodétermination des peuples -on se gausse de cette qualification même dans la capitale de l’Algérie, Alger, principal soutien du Polisario- est en fait un criminel de guerre -on ne peut même plus invoquer la présomption d’innocence tant les preuves à son encontre sont accablantes.
Des témoignages détaillés
Ne bénéficiant pas de l’immunité diplomatique quand bien même il se veut «président» d’une «République arabe sahraouie démocratique» (RASD) qui n’existe que dans les chimères de certains, il n’a donc pas osé se rendre en territoire espagnol.
Un véritable camouflet, d’autant que c’est dans le voisin ibérique que le Polisario a ses principaux relais médiatiques en Occident. Il faut dire qu’outre-Gibraltar, on ressent la culpabilité d’avoir occupé le Sahara marocain pendant plus de neuf décennies (1884-1975) et qu’à ce titre, pour se donner bonne conscience, on fait le lit de la propagande algéro-séparatiste, quitte à s’inscrire en faux contre l’évidence historique. On peut, à partir de là, comprendre le courroux polisarien, incroyablement violent cette fois, alors que le front n’a cessé d’essuyer les revers ces dernières années. En Algérie, dans les camps de Raboni, où le Polisario maintient son siège depuis le milieu des années 1970, on crie, ainsi, au complot: paraît-il, tout a été orchestré pour plaire au Maroc.
On cite le rapprochement hispano- marocain opéré depuis une douzaine d’années -ce qui est vrai. Mais c’est à croire que la justice espagnole n’est plus, aux dernières nouvelles, indépendante... Bien sûr, M. Ghali, lui, est blanc comme neige. Pas de remise en question. Reconnaître au moins ses torts, comme le Maroc, lui, l’avait fait dans le cadre de l’Instance équité et réconciliation (IER)? Il faudra sans doute repasser. Pourtant, rien que le fait qu’il ait été chargé du “portefeuille” de la Défense de la “RASD” pendant la guerre du Sahara (1976- 1991) lui impute une responsabilité politique indéniable dans les exactions commises par le front pendant le conflit, même si l’on considère qu’il n’a pas été impliqué directement; ce qui n’est bien sûr pas le cas.
Car au fur à mesure des années, les témoignages à son encontre n’ont fait que se renforcer pour se faire de plus en plus précis et détaillés, à telle enseigne qu’il devenait impossible de continuer à les ignorer. On est donc désormais loin de la situation où, en 2007, l’Association sahraouie pour la défense des droits de l’Homme (Asadedh) portait pour la première fois plainte contre M. Ghali ainsi que 27 autres personnes pour la plupart affiliées elle aussi au Polisario: à l’époque, la Audiencia nacional avait excipé de la difficulté d’identifier les accusés. Certains dénoncent désormais à visage découvert d’atroces faits de pédophilie.
Faits de pédophilie
D’après Mohamed Ziane, qui a été un des premiers à défendre les victimes du Polisario, l’actuel chef séparatiste aurait violé plusieurs adolescentes pendant sa tenue «ministérielle», dont certains tombèrent enceintes et furent envoyées à Cuba, alliée de la première heure des séparatistes sahraouis, pour accoucher. “Ce n’est malheureusement pas le seul responsable polisarien concerné”, nous déclare l’avocat.
“A l’époque, pour se disculper, ils disaient que c’est pour agrandir la nation sahraouie. Mais c’est de la pédophilie!” Me Ziane rappelle aussi que déjà, dans les années 1990, on avait tenté de poursuivre les dirigeants du Polisario pour leurs crimes, mais que la bonne publicité que faisaient au front certaines organisations non gouvernementales (ONG) internationales avait, de façon regrettable, joué en défaveur des victimes.
Mansuétude internationale
“Un ancien général cubain m’a luimême confirmé les témoignages que j’ai recueillis”, nous apprend par ailleurs Me Ziane. Dans les milieux pro-séparatistes, beaucoup se demandent aujourd’hui comment le Polisario, pour ne pas dire l’Algérie, ont bien pu choisir M. Ghali comme secrétaire général. Ainsi, le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, dans une tribune largement relayée par la presse algérienne, qualifie cette désignation d’“erreur”.
“Une puissance affirmée peut se tromper dans le choix de ses leaders, mais pas ceux qui dans une région instable cherchent à bâtir un État qui jouisse d’une reconnaissance internationale”, écrit-il notamment. Cela dit, s’agit-il réellement d’une erreur? Ou l’Algérie croyait-elle que le Polisario allait continuer à bénéficier de la mansuétude de la communauté internationale? Car celle-ci, en vérité, est la réelle responsable de l’impunité des dirigeants du front: elle a fait d’eux des “gentils”, des “combattants de la liberté”, face aux “méchants” Marocains venus s’emparer de leur “pays” et en faire jusqu’à nos jours la “dernière colonie d’Afrique”.
Elle a confondu, à tort et à travers, son opposition à un Etat qui certes soumettait sa population aux sinistres années de plomb, mais dont la légitimité au Sahara, eu égard au droit coutumier national, est incontestable. Il était donc temps qu’enfin toutes les parties impliquées dans le conflit deviennent justiciables, non plus seulement marocaines