Un check-up sans ordonnance?

L’IMPACT DURABLE DE LA PANDÉMIE

Il s’agit de reprendre la main, si l’on ose dire, dans la «redistribution des richesses» et des fruits du développement ainsi que dans la prise en charge de risques sociaux.

N’est-ce pas le «trop plein» qu’il faut redouter? Les memoranda se multiplient. Chaque think tank -confirmé ou autodésigné- entend y apporter sa contribution pour se redonner, souvent à bon compte, une visibilité. Des institutions justifiant de références plus conséquentes sont également de la partie. Le diagnostic est ainsi fait -un check-up complet de l’état des lieux. Y sont accolées des propositions. La messe est dite!…

Comment ne pas formuler bien des interrogations à cet égard? L’on peut ainsi se demander pourquoi tout ce monde d’experts et de «sachants», si l’on préfère, ne s’est pas manifesté bien avant cette pandémie pour inviter instamment à des réformes qui auraient pu atténuer aujourd’hui le triple choc sanitaire, social et économique? La réactivité est tardive après les faits, après la catastrophe donc. Qu’apporte-t-elle au débat national et à l’appréhension des enjeux et des défis de la présente conjoncture et, plus globalement, de la problématique globale du modèle de développement? Au fond, personne n’a rien vu venir -ce n’est pas un reproche. Mais ce qui a été mal perçu, c’est l’incapacité du système –au Maroc et ailleurs– à prendre en charge les besoins, les attentes et les aspirations des citoyens. Tout le monde a en mémoire, soit dit en passant, ce que disaient les agences de notation internationale avant la crise des subprimes de 2008 alors que des esprits indépendants avaient, eux, tiré la sonnette d’alarme à propos de l’effondrement de la banque Lehman Brothers et d’autres.

En l’état, aujourd’hui, l’urgence est sanitaire. Ce qui est entrepris au Maroc est-il suffisant et efficient? Un débat est ouvert à ce sujet. Il reste à aller plus loin, évidemment, et à réussir une sortie de crise durable; et, à cet égard, il faut construire les jalons d’un autre modèle de développement décliné durablement autour de choix stratégiques, d’une vision. C’est là un pré-requis incontournable pouvant ensuite être traduit en une déclinaison de politiques publiques sur le court terme -2021- mais aussi le moyen terme et même au-delà. Mais avec quel contenu? Voilà qu’un terme fait florès dans notre littérature ces mois-ci: celui d’un mantra: l’Etat social. Comme dans l’hindouisme, cette expression est désormais répétée avec insistance, psalmodiée même de manière définitive, voire religieuse. Mais qu’est-ce que l’Etat social? Une protection sociale étendue et généralisée à terme, couvrant, comme l’a déclaré le Souverain dans son discours du Trône, le 30 juillet 2020, de nombreux domaines: AMO, allocations familiales, allocation de chômage et de perte d’emploi,…

Nul doute que dans cette perspective, l’Etat doit recouvrer la plénitude de ses fonctions de régulation et de décision. Il s’agit en effet de reprendre la main, si l’on ose dire, dans la «redistribution des richesses» et des fruits du développement ainsi que dans la prise en charge de risques sociaux tels la maladie, l’indigence, la vieillesse, les catégories de personnes à besoins spécifiques,...

Résilience industrielle
Une démarche fortement volontariste qui doit aller au-delà de la lutte contra la pauvreté et la vulnérabilité. Des formes d’intervention enjambant le caritatif et les subventions mais participant d’une vision perspective globale à l’horizon 2030-2035. Mais, à côté de cette question sociale, les axes d’une nouvelle politique économique sont également à l’ordre du jour –et durablement… L’on insiste beaucoup, dans les différents rapports, et pas seulement officiels, sur la capacité d’adaptation du Maroc à faire montre d’une résilience industrielle illustrée par la fabrication locale de 10 millions de masques pour satisfaire la demande locale créée par cette pandémie. Mais c’est un exemple bien isolé: qu’en estil du reste? Comment prendre part en effet à la mise en place de nouvelles chaînes de valeur qui va s’opérer dans le commerce mondial? Et, dans le même temps, que faire pour que ces mêmes chaînes de valeur et d’approvisionnement soient intégrées dans l’économie locale tant il est vrai qu’il faut gagner en résilience et en independance face aux crises internationales? Il est question, ici et là, des alternatives offertes par l’intégration régionale et continentale: comment? Suivant quels processus?

Autre défi: comment intégrer l’économie informelle? Celle-ci emploie, selon le Conseil de veille économique (CVE), quelque 2,4 millions de personnes, et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 410 milliards de dirhams, soit 35% du PIB national. Mais le ministère des Finances a dû revoir ce chiffre à la hausse, avec 4,3 millions de personnes qui ont bénéficié des aides du Fonds spécial. Cette aide est provisoire, liée à une conjoncture très particulière. Mais quelles seront les solutions durables demain? Il est fait référence à la nécessité d’intégrer cette économie informelle dans l’économie régulée: comment? Avec quel coût?

L’accent est aussi mis, par ailleurs, sur la construction d’une économie forte en encourageant la consommation et l’investissement; sur de nouveaux outils de financement; sur une réforme fiscale volontariste et réaliste; sur le soutien aux PME-PMI et le développement de zones économies spéciales. Mais quid de la feuille de route, des étapes et des séquences ainsi que de la mobilisation des ressources humaines et financières? Quant à l’innovation et à l’économie du savoir couplée à la digitalisation, voilà qui revient dans toutes les contributions. Autant de priorités auxquelles l’on ne peut qu’adhérer. Reste la capacité à entreprendre toutes ces réformes –du volontarisme, de la persévérance, de l’adhésion et de la mobilisation. De grandes réformes à porter. Et à incarner...

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