
Nouvelle escalade dans les relations entre le Caire et rabat
Avec l’Egypte, après notamment les Etats-Unis par intermittence depuis 2013 et la France de 2014 à début 2015, le Maroc est sans doute en train d’apprendre une leçon qu’en politique internationale, il n’y a pas d’allié indéfectible. Car voilà un pays qui il y a quelques mois à peine, en mars 2016, prenait fait et cause pour le Royaume au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), dont il est membre non permanent depuis janvier 2016, après la décision du gouvernement marocain de débarquer la composante civile de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).
Une expulsion qui, pour rappel, avait fait suite à une déclaration du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qualifiant la présence du Maroc dans l’Ouest du Sahara, qui comprend une partie des provinces du Sud marocaines, d’”occupation”. Maintenant, les séparatistes sahraouis sont accueillis à bras ouverts en Egypte. En effet, Khatri Addouh, le président du “conseil national sahraoui”, le parlement de la “République arabe sahraouie démocratique” (RASD), a été reçu en grandes pompes le 9 octobre 2016 dans la ville de Charm El-Cheikh, où se tenait le 150ème anniversaire du parlement égyptien. Non seulement cela, mais en plus, la déclaration finale mettait l’accent sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes; en clair, un appui à l’option d’un référendum au Sahara, qui revient de fait à contester la marocanité de la région.
Des relations empoisonnées
Certes, le gouvernement égyptien a, depuis, démenti apporter sa caution aux thèses séparatistes; son ambassadeur, Abdel Fattah Ragheb, expliquant que c’est non à l’initiative de son pays mais des parlements arabe et africain que le “conseil national sahraoui” a été invité. M. Ragheb a, a cet égard, mis la polémique sur le dos du gouvernement Abdelilah Benkirane -rien que cela-, qui d’après lui voudrait empoisonner les relations entre l’Egypte et le Maroc, “frères et pays amis”, en raison de sa proximité supposé avec la Société des Frères musulmans, opposée au régime du président Abdel Fattah Al-Sissi depuis que ce dernier l’avait renversée en 2013.
Cependant, le contenu des discussions, révélé par l’agence de presse séparatiste Sahara presse service (SPS), entre M. Addouh et le président de la chambre des représentants égyptienne, Ali Abdel Aal, ne laisse que peu de place au doute quant au soutien de l’Egypte à la “RASD”. Une position qui déjà, début 2015, avait jeté un froid sur les relations égypto-marocaines et à laquelle le Royaume avait réagi en diffusant, sur la chaîne de télévision nationale Al-Aoula, des reportages dénonçant le coup d’Etat de M. Al-Sissi.
Du carburant algérien
La visite du ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Choukri, dans la ville de Fès, où se trouvait alors le roi Mohammed VI, suivie quelques jours plus tard d’un appel téléphonique entre le Souverain et M. Al-Sissi, avaient cependant permis d’arranger les choses. Les deux chefs d’Etat s’engageaient même, au passage, à “maintenir ouverts les canaux de contact direct”. Il semble toutefois que la crise actuelle entre l’Arabie saoudite et l’Egypte, en raison d’un alignement sur la Russie du régime Al-Sissi, ait conduit ce dernier à rebattre ses cartes.
Car une des premières conséquences de ce rapprochement, notamment sur la Syrie, dont la famille régnante saoudienne, les Al- Saoud, souhaite le départ du président Bachar Al-Assad, est que les Egyptiens ne soient plus livrés en pétrole et en gaz depuis les pays du Golfe. Une situation qui a poussé ces derniers, naturellement, à se tourner vers l’autre pays de la région MENA (Moyen-Orient/Afrique du Nord) qui produit de l’énergie fossile, à savoir l’Algérie. D’ailleurs, l’Egypte a déjà commencé à recevoir les premiers arrivages de carburant depuis le voisin de l’Est, avec une première cargaison de 30.000 tonnes au port d’Alexandrie. On imagine bien donc que ce n’est pas sans contrepartie que ce renouement s’opère.
La guerre des sables
A ce titre, au climax de la crise égypto- marocaine de début 2015, l’Egypte avait signé un accord de fourniture énergétique avec l’Algérie qui, ô surprise, s’était accompagné de campagnes tendancieuses de la part des médias officiels égyptiens à l’endroit du Maroc et de son intégrité territoriale. Bien sûr, comme toujours, tout pourrait au final reprendre son cours normal, sachant que l’Egypte, bien des fois ces 60 dernières années, a pris à revers le Royaume, notamment en célébrant le putsch qui en 1972 avait visé le roi Hassan II, sans parler de sa participation en 1963 à la guerre des sables dans le camp adverse.
Mais c’est au plan de la diplomatie, plus généralement, que le Maroc se doit de tirer des enseignements. Il est vrai que le Royaume ne se laisse plus intimider comme auparavant, à l’exemple de ce qu’exprimait Mohammed VI dans son discours en mars 2016 dans la capitale de l’Arabie saoudite, Riyad, où il affirmait qu’il ne fallait plus voir le Maroc en tant que “protectorat”. Dans le même sens, l’ouverture se fait désormais de plus en plus en direction de partenaires originaux à l’instar de la Russie et de la Chine, où le Roi s’était respectivement rendu en mars et mai 2016. Mais ces associations ne doivent pas être prises pour ce qu’elles ne sont pas en réalité: des acquis définitifs.
Aujourd’hui, les solidarités de principe ne tiennent plus. Place au pragmatisme, qui interagit continuellement avec les intérêts du moment. Dernier exemple, la Zambie, qui en juillet 2016 annonçait retirer sa reconnaissance de la “RASD”, et dont le président, Edgar Lungu, s’entretient par ailleurs, le 7 octobre 2016, avec le “ministre” des Affaires étrangères sahraoui, Mohamed Salem Ould Salek, en se fendant dans la foulée d’un communiqué clairement anti-marocain. Rien que depuis 2013, deux pays, en l’occurrence le Panama et Maurice, gelaient leur reconnaissance de l’entité séparatiste puis annulaient quelque temps plus tard leur décision. Il faut par conséquent s’attendre à ce que ceux qui souffleraient le chaud aujourd’hui soufflent le froid demain. Et qu’il s’agisse même de pays depuis lesquels on n’aurait pas vu venir le coup