Polemique autour des changements apportes au reglement interieur de la CGEM

La violente charge du parti de l'Istiqlal

Le Parti de l’Istiqlal accuse la CGEM de priver ses membres de leurs libertés politiques. Pour les dirigeants de la CGEM, la neutralité politique est exigée des candidats à des postes de responsabilité au sein de la confédération patronale.

La guerre est ouverte entre le Parti de l’Istiqlal et la CGEM. Après que celle-ci ait modifié son règlement intérieur, le jeudi 11 février 2021, pour imposer de nouvelles règles d’éligibilité pour concourir aux fonctions de responsabilité au sein de la confédération patronale, notamment ne pas appartenir à un parti politique, le comité exécutif du Parti de l’Istiqlal lance, quatre jours plus tard, soit le lundi 15 février, une charge violente contre la CGEM.

Signé par le secrétaire général du parti, Nizar Baraka, le communiqué avertit contre la gravité de ce que la CGEM est en train d’entreprendre afin de modifier les lois pour priver ses membres, qui souhaitent se présenter aux élections, de leur droit à l’affiliation politique, sous prétexte de neutralité. Or, ce droit est normalement défendu par la Constitution marocaine et par les conventions internationales.

L’association des économistes istiqlaliens, présidée par l’ancien ministre du commerce extérieur, Abdellatif Maazouz, est venue en appui à son parti et publie, le mardi 23 février 2021, un communiqué au vitriol où elle condamne, à son tour, les nouveaux changements apportés aux statuts internes de la CGEM. Pour Abdellatif Maazouz : «Nous n’avons rien contre la CGEM où notre parti compte plusieurs membres.

Mais, sincèrement, on ne comprend pas l’urgence et les objectifs derrière ce changement qui intervient, il faut bien le préciser, à quelques mois des élections des instances régionales de la confédération ». «De plus, aucune loi au monde ne peut interdire à un candidat politisé de se présenter aux élections internes de la CGEM ? C’est un droit légitime garanti par la constitution», estime cet économiste au parcours académique reconnu.

Changements statutaires
A la CGEM, du moins au sein de son comité dirigeant, on ne comprend pas trop la sortie de l’Istiqlal. Pour le vice-président de la confédération, Mehdi Tazi, «les amendements apportés au règlement intérieur de la CGEM viennent préciser l’article 4 des statuts qui existait auparavant. Cette disposition ne concerne pas tous les membres de la Confédération qui sont, bien entendu, libres d’appartenir ou non à une organisation politique.

Ceux d’entre eux qui souhaitent briguer la présidence ou la vice-présidence nationale, la présidence des CGEM Régions, ainsi que la présidence des fédérations internes, doivent respecter une neutralité politique pour pouvoir défendre l’intérêt des entreprises en toute objectivité quelle que soit l’organisation politique au Gouvernement».

En clair, la nouvelle disposition matérialisant ce changement stipule la chose suivante : «Le candidat est tenu de ne pas assurer ou de ne pas avoir assuré, pendant les six derniers mois précédant le dépôt de candidature, des fonctions dans un organe décisionnel ou exécutif, régional ou national, d’un parti politique». Les fédérations internes sont celles qui sont créées par la CGEM et qui représentent les branches sectorielles les plus importantes de l’économie nationale. Les autres, à savoir les fédérations externes, c’est-à-dire celles créées en dehors de la confédération avant d’y adhérer, ne sont pas concernées par la nouvelle disposition.

Pour le vice-président de la CGEM, ce changement de règlement intérieur, voté à une écrasante majorité par les membres, ne fait que concrétiser dans les faits l’article 4 des statuts de la CGEM, qui stipule la neutralité politique et religieuse de cette organisation patronale, qui doit défendre et conserver son caractère économique et professionnel. Quelques faits antérieurs dans la vie électorale de la confédération semblent justifier ce changement.

Une ambition contrariée
Il s’agit, notamment, de l’ancien président de la CGEM, Salah Eddine Mezouar, qui a été contraint de démissionner du RNI, au moment de son dépôt de candidature à la présidence. Mais l’événement, qui a plongé la confédération patronale dans le désarroi est, sans aucun doute, sa démission spectaculaire de la présidence de la CGEM, en octobre 2019, suite à ses déclarations contestées sur l’Algérie, lors d’une conférence internationale organisée à Marrakech.

Cette démission, qui a été un précédent dans l’histoire de la CGEM, a probablement poussé ses dirigeants actuels à mettre en pratique la neutralité politique de l’organisation. Il y a eu aussi le cas de l’ancien vice-président de la CGEM, Mohamed Talal, sous l’ère de l’ancienne présidente, Meriem Bensalah. M. Talal avait, en effet, été obligé de quitter son poste après son annonce de se présenter aux élections législatives sous les couleurs du PAM.

Bien que les explications de la CGEM, pour justifier les nouveaux changements de son règlement intérieur, visent à renforcer son indépendance par rapport aux organisations politiques et religieuses, il n’en demeure pas moins que ces changements ont suscité un vif émoi au sein de la classe politique. Jusqu’où ira cette confrontation entre la CGEM et l’Istiqlal ? La question mérite d’être posée quand on sait que l’un des membres influents de l’Istiqlal, en l’occurrence Hamdi Ould Errachid, figure emblématique du parti dans les provinces du sud, s’apprête à briguer la présidence de la CGEM dans le sud.

Une ambition qui semble désormais contrariée par la nouvelle disposition du règlement intérieur de la confédération patronale. D’aucuns estiment, en effet, que le richissime homme d’affaires sahraoui serait, probablement, derrière la sortie fracassante de l’Istiqlal pour fustiger une décision jugée anticonstitutionnelle de la CGEM.

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