On ne joue pas sur un terrain de football mais plutôt sur le terrain de la politique. La junte militaire algérienne a peur de revenir sur sa décision de fermer le ciel algérien aux avions marocains pendant le CHAN 2023. Ce serait une volte-face à hauts risques pour les caporaux d’Alger.
En refusant de répondre favorablement à la requête de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), l’Algérie en fait une affaire d’Etat. A ses risques et périls. Alger ne veut pas céder à la demande, toute légitime, de Fouzi Lekjaâ, président de la FRMF. Ce dernier a exigé que l’équipe nationale se rende à Constantine, ville hôte de l’édition 2023 du Championnat africain des Nations des joueurs locaux (CHAN) qui se déroule du 13 janvier au 4 février, via un vol direct de Rabat à bord d’un avion de Royal Air Maroc (RAM). Une demande qui a été transmise par correspondance à la Confédération africaine de football (CAF). La première réaction officielle algérienne fut celle du ministre de la Jeunesse et des sports, Abderezak Sebgag qui a affirmé, le 29 décembre, que la CAF a saisi, à ce sujet, la Fédération algérienne de football (FAF). Il a promis une réponse des autorités algériennes dans les 24 heures. Il n’en fut rien.
Quelques jours plus tard, le président du comité d’organisation du CHAN 2022, Rachid Oukali, trahit la pensée des locataires du palais d’El Mouradia. Il a refusé de céder à la requête du Maroc. Il a fait une dangereuse fuite en avant en affirmant, lors d’une conférence de presse, que cette question ne relevait pas des prérogatives de son comité. “Le cahier des charges d’un événement sportif tel que le Championnat d’Afrique des joueurs locaux stipule que l’hôte de la compétition a l’obligation de sécuriser les déplacements des délégations des pays participants sur le territoire national comme les déplacements de la capitale vers Constantine, Oran ou Annaba. Cette clause n’inclut pas les liaisons aériennes directes ”. Or, Fouzi Lekjaa ne mâche pas ses mots quand il a souligné que les cahiers de charge incluent cette clause. Il parle en connaisseur puisque cet ancien vice-président de la Confédération africaine de football CAF et actuel président de sa commission des Finances, est aussi membre au conseil de la FIFA et du comité exécutif de l'Union des associations arabes de football (UAFA). Malgré cela, l’Algérie persiste et signe.
Du côté de la CAF, pas encore de réponse officielle. Que faut-il en déduire ? Que nous ne sommes pas face à une question d’ordre juridique ou organisationnelle. On ne joue pas sur un terrain de football mais plutôt sur le terrain de la politique. Alger avait décidé, en août 2021, de fermer son espace aérien aux avions civils et militaires marocains. Soit. Aujourd’hui, il s’agit d’un événement sportif continental d’envergure. Qu’est-ce qui empêcherait de faire une exception et permettre à un avion de la RAM transportant l’équipe marocaine de voler directement vers Constantine ? En vérité, la décision appartient à l’establishment militaire algérien qui détient le vrai pouvoir. Depuis quelques jours, c’est le branle-bas au siège de l’armée. Sa politique de répression visant à museler l’opposition et le mouvement de protestation populaire a été toujours justifiée par l’alibi de l’ennemi extérieur, le Maroc. La junte militaire a peur de revenir sur sa décision de fermer le ciel algérien aux avions marocains pendant le CHAN 2023. Son autorité et son pouvoir sont en jeu.
Ce serait une volte-face à hauts risques pour les caporaux d’Alger. Elle entraînera une euphorie populaire quasi-impossible à gérer. Le peuple algérien attend l’occasion de ce championnat africain pour exprimer sa fierté des réalisations historiques de la sélection nationale au Mondial Qatar 2022. Tout le monde a visualisé les images et les vidéos de la liesse exprimée par des Algériens à Alger et dans d’autres villes du pays. La machine répressive de l’armée et de la police n’a pas pu empêcher ces manifestations de joie malgré des consignes fermes doublées de menaces ouvertes. Il faut comprendre que la junte militaire est dans un véritable dilemme. Céder aux règlements de la CAF et à la demande légitime du Maroc revient à dire qu’elle va perdre son emprise sur l’Algérie et le peuple algérien. Elle ne courra jamais ce risque.
Aujourd’hui, c’est à la CAF de prendre les décisions qui s’imposent. Éviter un vol direct de trois heures et perdre presque une journée à parcourir des milliers de kilomètres en faisant escale en Tunisie avant de prendre la Tunisair pour aller à Constantine, c’est inacceptable. On ne peut pas revivre le cauchemar des jeux méditerranéens d’Oran, en juillet 2022. Une fois, ça va, deux fois, bonjour les dégâts ! Aucun Marocain digne ne peut accepter une telle humiliation. Notre football n’a plus besoin de faire ses preuves. Son exploit inédit au Mondial du Qatar en témoigne. Mais notre dignité, celle de tous Marocains, n’est pas à marchander.