La chambre des représentants otage de l'impasse gouvernementale

Mustapha Sehimi

 

Instaurer la confiance


Rien de bien nouveau, donc,  pour ce qui est d’une majorité:  c’est le blocage. Le  Conseil des ministres tenu  mardi 10 janvier 2016, à Marrakech,  sous la présidence de S.M. le Roi  s’est bien réuni mais avec un ordre du jour  précis, à savoir l’adoption du projet de loi  relatif à l’admission du Maroc à la charte  de l’Union africaine (UA). Rien d’autre.

Ce texte est lié à un agenda diplomatique,  en l’occurrence le 28ème sommet  de l’UA, fixé à la fin de ce mois de janvier  à Addis-Abeba. Et sa finalisation commande  qu’il soit ratifié par le Parlement  avant cette date et ce conformément  aux dispositions de l’article 55 (al.2) de la  Constitution de 2011. Comment faire alors  que la Chambre des représentants n’est  pas encore installée? Si ses 395 membres  ont bien été élus le 7 octobre 2016, il reste  que la nouvelle Chambre des représentants  n’a pas été mise sur pied à ce jour.  D’où l’impératif diplomatique d’engager  et de finaliser cette procédure dans les  meilleurs délais.

Comment? Qui doit convoquer cette  chambre? C’est le secrétaire général de  cette institution à qui revient cette initiative.  Par nature, par mission aussi, il représente  la continuité organique. La date sera  fixée, le cas échéant, après contact avec  les responsables des partis représentés  au sein de cette chambre pour tenir  compte de leurs multiples obligations.  Mais, en tout état de cause, cela ne saurait  trop tarder parce que le calendrier est  serré, à flux tendu même, le projet de loi  devant être délibéré et adopté dans les  meilleurs délais.

Au passage, l’on se trouve devant une  situation intéressante. C’est en effet une  contrainte d’agenda diplomatique qui  va imposer l’installation de la nouvelle  Chambre des représentants, plus de  trois mois après le scrutin législatif du 7  octobre. Dans la pratique, cette opération  se faisait dans les jours suivants une  telle consultation sur la base de telle ou  telle configuration de la majorité et de  l’opposition. Le choix qui était fait alors  était pris en compte dans la répartition des  ministères entre les composantes de la  majorité; plus encore: le “perchoir” était  comptabilisé comme étant le double d’un  département ministériel, compte tenu de  son statut de troisième personnage de  l’État et de sa forte visibilité médiatique  et politique.

C’est dire que cette procédure qui va être  actionnée pour désigner le président de la  Chambre des représentants se fera sur la  base d’un vote. Conformément aux dispositions  du règlement intérieur toujours en  vigueur, c’est le doyen d’âge des élus du 7  octobre dernier qui assurera la présidence  de cette première séance de la nouvelle  législature –il s’agit de Abdelouahed Radi,  né en 1935, membre de tous les parlements  depuis 1963, ancien président de  cette même chambre des représentants  (1997-2007. Il sera assisté du benjamin  des députés. Il y aura à cette occasion  un seul point à l’ordre du jour: celui de  l’élection du nouveau président. Ce dernier  sera élu au premier tour à la majorité  absolue; sinon un second tour sera  nécessaire où seule une majorité relative  est requise. Quels seront les candidats?  Le PJD voudra sans doute compter ses  voix et celles de ses alliés. Le RNI prévoit  lui aussi de parrainer un candidat  dans ses rangs (M’barka Bouaïda, Mustapha  Mansouri, Rachid Talbi Alami). Le  PAM, pourtant classé deuxième avec 102  sièges, n’envisage pas, semble-t-il, de  suivre cet exemple. Se dessineront alors,  lors de ce vote, des contours plus précis  des alliances, celle autour du PJD et celle  articulée autour des quatre partis précités.  Si ce blocage actuel perdure d’ici cette  séance parlementaire, cela voudra dire  que M. Benkirance n’a pas pu former une  majorité.

Si un accord arrive à se faire d’ici là, la  présidence de la Chambre sera prise en  compte dans la répartition des ministères.  Si tel était le cas –ce qui paraît passablement  laborieux et même fortement aléatoire-  tout sera-t-il réglé pour autant? Pas  le moins du monde! Il faudra ensuite un  accord sur les affectations des départements  puis sur les profils de ces postes.  Autant d’obstacles à surmonter d’autant  plus que le climat politique et les relations  se sont détériorés entre M. Benkirane et  les partis devant participer à sa majorité.  La méfiance se conjugue avec la défiance.  Mode de fonctionnement de la gouvernance  du Chef du gouvernement, champ  et dimension de la concertation, portée de  la solidarité et de la collégialité: autant de  domaines où des règles précises doivent  être posées et respectées. Le bilan du  cabinet Benkirane I n’a pas été jugé probant  à ce sujet...

 

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