Le cese passe au peigne fin les failles de gestion du secteur du sport au maroc

Une filière en mal d’encadrement

Faible professionnalisation, absence d’un statut dédié aux sportifs professionnels, nombre insignifiant des pratiquants, insuffisance d’infrastructures sportives, stades de football budgétivores… Autant de dysfonctionnements qui empêchent la filière sport au Maroc d’émerger et d’être un poids lourd dans l’économie.

Au-delà du plaisir, de l’esprit de compétition et de son apport pour la santé, la filière sport pèse 2% dans le produit intérieur brut (PIB) mondial. Au Maroc, elle ne contribue à l’économie qu’à hauteur de 0,5%. Une gestion inadaptée en explique la faible performance. Inadéquation du cadre institutionnel avec l’ensemble des disciplines sportives, faible professionnalisation, absence d’un statut dédié aux sportifs professionnels et leur non-intégration dans les systèmes de retraite et de protection sociale… Autant de dysfonctionnements relevés par le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, mercredi 6 juillet 2022 à Rabat, lors d’un atelier dédié à la présentation de son avis sur l’économie du sport, intitulé «L’économie du sport: un gisement de croissance et d’emplois à mettre en valeur».

Attirer des investissements
Lors de son allocution d’ouverture, M. Chami a souligné que «malgré l’aubaine démographique que représente la jeunesse marocaine pour notre pays afin de promouvoir l’économie du sport, celle-ci continue de pâtir de plusieurs dysfonctionnements». La pratique d’une activité sportive constitue un moyen sans égal pour l’inclusion sociale, a-t-il fait savoir, expliquant que pour faire de l’économie du sport au Maroc un levier de développement, il faut remédier en premier lieu au faible nombre de pratiquants, qui ne dépasse pas un million pour les personnes inscrites dans des clubs.

Une réalité renforcée par le poids peu important du sport scolaire et universitaire, le niveau de performance instable des élites sportives, l’insuffisance des infrastructures sportives et de l’encadrement dans nombre de régions et le manque d’aménagement du temps de travail et de l’éducation et de la formation. Autre handicap: l’absence d’une analyse détaillée du volume d’activités et des objectifs de la pratique du sport au Maroc ne permet toutefois pas de relever les types de profils des pratiquants au Maroc.

Quant au roi des sports, le football, le CESE relève que les grands stades, par exemple, se sont révélés des centres de dépenses budgétivores compte tenu de leurs jauges dépassant les 45.000 places chacun (avec rarement plus de 1.000 spectateurs payants), des superstructures mises en place et des équipements dictés par les exigences de professionnalisation de leur gestion (pelouses naturelles, éclairage spécialisé, contrôle d’accès à hachoirs, vidéosurveillance, sonorisation, affichage électronique, ascenseurs et escalators...). Des solutions? De l’avis du CESE, une série de mesures peuvent relever la contribution du secteur du sport au PIB, ce qui permettra, à terme, de faire converger la vision d’un secteur essentiellement associatif où le sport est une activité de loisir et celle d’un secteur économique qui puisse attirer des investissements et capable de créer de la richesse et des emplois pérennes.

Sur le plan juridique et réglementaire, souligne Amine Mounir Alaoui, rapporteur du thème, il faut procéder à une refonte de la loi 30.09 et du statut-type en particulier pour l’adapter à chaque discipline sportive. Cela nécessitera également l’amendement de la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes pour faciliter le passage des associations sportives à des sociétés privées.

Au niveau du capital humain, il faut concevoir une stratégie de formation et d’accompagnement pour les métiers du sport, impliquant toutes les parties prenantes (fédérations, clubs, collectivités territoriales, OFPPT, ANAPEC…), détecter les talents dès le bas âge, en renforçant notamment les programmes de compétitions scolaires et universitaires et en reconcentrant les championnats des jeunes au sein des lycées et veiller à rendre les terrains de proximité des pépinières pour attirer les talents et promouvoir l’image de la femme marocaine dans le sport, en mettant en avant plus de championnes marocaines dans différentes disciplines sportives.

Aussi, il va falloir veiller à la mise en place d’un statut pour les sportifs professionnels et les sportifs de haut niveau qui assure la stabilité financière et sociale à laquelle a droit tout travailleur professionnel. S’agissant de la question de la gouvernance et du financement, le CESE recommande de revoir le mode et le timing de répartition des subventions publiques, en vue de donner plus de visibilité aux fédérations particulièrement celles de petites tailles et d’instaurer des règles et critères d’octroi plus équitables.

Reddition des comptes
Pour rentabiliser au mieux la pratique du sport, le Conseil suggère de libéraliser le marché des droits TV, tout en garantissant aux clubs une répartition équitable, selon la méritocratie, des recettes générées des droits de retransmission. La stratégie de vente des billets est inefficace. Pour y remédier, il faut conquérir de nouveaux types de spectateurs, tels que les femmes et la classe moyenne, en travaillant sur des gammes d’options pour diverses catégories de personnes et en veillant à garantir la sécurité des événements sportifs et la lutte contre la violence dans les stades.

Élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, cet avis détaillé et riche en enseignements du CESE sur l’économie du sport a proposé des pistes de transformation à même d’accroître la contribution du secteur du sport à la création de richesse et d’emploi et d’en faire une locomotive économique et sociale pour le Royaume. Encore faut-il, pour assurer la concrétisation sur le terrain des solutions suggérées, de faire activer le principe de la reddition des comptes.

Car si des milliards de dirhams ont été dépensés sans atteindre les objectifs escomptés, le moins qu’on puisse dire, c’est que les responsables doivent répondre de leurs actes et décisions. Par conséquent, a soutenu M. Chami, il demeure assez difficile de catégoriser la population marocaine pratiquante en compétiteurs à la recherche de performance dans un cadre de compétition, en amateurs, avec une pratique orientée vers le loisir mais pouvant être intensive, ou en occasionnels qui pratiquent irrégulièrement et rarement, estimant que la disponibilité de telles informations permettrait de guider et de cibler les populations concernées chacune par des politiques publiques appropriées.

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