
Elle voulait être plus belle en se débarrassant de son ventre disgracieux. Elle en a perdu la vie et l’occasion de profiter de sa silhouette rêvée et tant désirée. L’histoire de cette femme médecin, rentrée en clinique, pour une simple liposuccion du ventre qui a viré au drame, a défrayé la chronique au Maroc en ce début mars 2015. Cette mère de famille voulait tout simplement retrouver un corps parfait.
Le bistouri des miracles
Un mois auparavant, mais cette fois-ci sous d’autres cieux, Miss Equateur meurt pendant une opération de liposuccion. Comble de l’ironie, Catherine Cando Cornejo, une étudiante de 19 ans, avait gagné cette opération chirurgicale dans un concours. Déjà Reine de beauté, la jeune femme avait-elle besoin d’être encore plus séduisante? Cette question, beaucoup de femmes, pourtant gâtées par la nature, ne se la posent pas. L’essentiel pour elles étant d’être toujours plus belles, quel que soit le prix à payer. Conscientes des risques que pourraient représenter certaines interventions sur leur vie, elles préfèrent tenter le coup plutôt que d’avoir à supporter une image d’elles qui ne les satisfait pas, parce que ne répondant pas aux normes que leur impose la société. Un dictat qu’elles acceptent de bon coeur et auquel elles se plient volontairement. Entre besoin et désir.
Demandes irréalistes
«Pourquoi se contenter d’accepter ce qu’on peut modifier ou améliorer?», s’indigne Malika, 30 ans, directrice marketing dans un laboratoire pharmaceutique. La jeune femme, belle et mince, est décidée à avoir recours à la chirurgie esthétique pour se débarrasser de ses poignets d’amour, qui sont pourtant invisibles à l’oeil nu et qui n’altèrent en rien sa belle allure. Entre l’image réelle que lui renvoie son corps et celle imaginée et rêvée, il n’y a qu’un pas à franchir pour Malika; celui de la chirurgie esthétique. Le bistouri, faiseur de miracle, est érigé en solution à tous les problèmes. Cette façon de percevoir la chirurgie esthétique est pourtant réfutée par certains spécialistes. «La chirurgie plastique n’est pas faite pour enlever un défaut esthétique. Elle n’est pas faite, non plus, pour rendre les gens beaux. Sa finalité est de débarrasser la personne d’un complexe. Si cette personne n’est pas complexée, il vaut mieux qu’elle ne vienne pas me voir», le Dr Fahd Benslimane, chirurgien plastique et esthétique, est catégorique à ce propos. Ce spécialiste avoue recevoir à longueur de journée des femmes, en pleurs, qui ne sont pas bien dans leur peau et qui croient tout pouvoir résoudre avec la chirurgie. Devant ces demandes irréalistes, il préfère s’abstenir.
L’acceptation de son corps
En fait, pour ces femmes, obsédées par leur apparence physique, répondre à un idéal social est, à leur yeux, primordial. Il y va de leur l’intégration dans la société et de leur acceptation par les autres. Car, par les temps qui courent, avoir une apparence impeccable et un corps de rêve est érigé en véritable culte chez beaucoup de personnes. La quête infatigable de la beauté prend de plus en plus d’ampleur, confortée en cela par l’essor de toutes les opportunités qu’offre la chirurgie esthétique ainsi que toutes les autres possibilités biotechnologiques. Allez expliquer à toutes celles qui ne jurent que par la chirurgie esthétique que le problème de l’acceptation de leur corps ne relève pas uniquement de leur apparence extérieure et que tout se joue au niveau psychologique. «Le bien-être exige qu’on soit satisfait de son apparence physique. Il passe par un équilibre entre l’acceptation de son corps et de sa situation sociale. Sinon, un malaise peut résulter de cette insatisfaction», affirme le Dr Bouchaïb Karroumi, psychiatre. Et d’ajouter qu’en se réfugiant dans la chirurgie esthétique, ces personnes, qui souffrent de frustrations de différentes sortes, pensent pouvoir les surpasser en améliorant leurs aspects physiques alors qu’elles n’en ont pas besoin. Là encore le praticien a un rôle de conseil à jouer. «Un chirurgien esthétique doit être honnête et ne pas accepter toutes les demandes de ses patients», soutient le Dr Rachid Aadil, spécialisé en chirurgie esthétique et maxillo-faciale.
Des complications ingérables
«Ce serai t dangereux d’embarquer ses patients, surtout ceux qui sont vulnérables et fragiles, dans des complications qu’ils ne sont pas capables de gérer. Pour cela, il doit leur expliquer la différence entre ce qui relève du besoin et ce qui est de l’ordre du désir. Il y a des choses que le spécialiste peut réaliser alors que certains désirs sont parfois irréalistes. En chirurgie esthétique, on vise l’harmonie et non le merveilleux», ajoute-t-il.
Pour éviter certains débordements, il n’est pas rare que des chirurgiens plastiques orientent leurs patientes vers des psychologues pour un avis sur leur état psychique. Le Dr Karroumi, qui reçoit parfois ce type de patientes, leur demande de justifier les raisons de leur désir d’intervention. Elles expliquent généralement au spécialiste qu’elles ne sont pas satisfaites de leur apparence et qu’elles désirent l’améliorer. C’est là qu’intervient le psychiatre pour explorer leur état psychologique et évaluer la pertinence de leur demande. Le verdict est alors prononcé en faveur ou contre l’intervention.