La casquette de Nabila

«Comment peut-on, parbleu, manifester contre les États-unis et porter un de leurs produits ?»

Moi qui suis une victime hébétée de l’hégémonie culturelle française (ça fait toujours bien de commencer une chronique en citant Gramsci), le prénom de Nabila me renvoit d’abord à la bimbo d’origine algérienne qui ne cesse de hanter les plateaux télévisuels de France et de Navarre (chacun ses références). Je crus donc avoir affaire à son fantôme quand ce vieil ami, qui m’appella en début de semaine pour s’enquérir de mes nouvelles et de celles de mon compte en banque au cas où j’aurais quelques billets à lui prêter et que, promis, il me rendrait au début du mois prochain (comme tous les autres billets, j’imagine), quand ce vieil ami me demanda donc si j’avais vu la photo de Nabila lors de la marche pour la Palestine. «Mais non, Mounib,» précisa-t-il, face à mon étonnement. Ah c’est donc de la camarade Nabila qu’il s’agit! Il fallut juste préciser sa qualité! Interpellé par ce commentaire politique de cet ami qui, en temps normal, pense d’abord à sa femme quand je lui parle de ministère de l’Intérieur et de tahakkom, je pris tout de go sur moi d’aller sur cette agora de notre époque qu’est Facebook pour voir de moi-même cette fameuse photo.

Et quelle ne fut ma surprise de voir que la camarade portait la casquette des New York Yankees comme un gant. «Mais c’est une casquette américaine!», vois-je cela dit les internautes s’indigner ici et là. «Comment peut-on, parbleu, manifester contre les Etats-Unis et, en même temps, porter un de leurs produits!» se lamente un autre (c’est moi qui ai ajouté le parbleu, pour donner une connotation dramatique à cette plaidoirie). Pas au bout de mes surprises, je constatai par la suite que tout mon fil d’actualité avait été inondé, telle l’avenue Mohammed-V de Casablanca sous la pluie, par la photo de la camarade.

Je ne pouvais même plus retrouver des sujets plus importants et autrement plus vitaux, comme le tirage au sort de la Champion’s League ou encore les vidéos d’insultes de Niba. Femme de responsabilité et décidément décidée à ce que je retrouve mon Facebook tel que je l’ai toujours connu, la camarade Nabila s’est finalement, merci à elle, fendue d’une déclaration expliquant comme quoi le NY sur sa casquette faisait référence non aux vils Yankees, (je suis vraiment décidé à aller aux Émirats), mais à son prénom et celui de son mari, Youssef Hajji, qui visiblement arrive toujours par se mettre hors-jeu (ah non c’est un homonyme, me dit-on).

Ladite casquette est d’ailleurs d’un rouge parfaitement communiste, sans doute tendance trotskiste, l’entrisme étant comme on le sait une stratégie ardemment défendue par les fondateurs de la quatrième internationale pour atteindre les objectifs révolutionnaires du prolétariat… Content donc d’en avoir fini avec cet épisode et surtout de découvrir, plus sérieusement, que le Real Madrid allait enfin se coltiner une vraie équipe en Champion’s League, en l’occurrence le PSG, j’en sors personnellement avec deux enseignements. Un, ne pas répondre aux vieux amis, surtout s’ils ont une dette extérieure grosse comme une polémique au Maroc sur un misérable vêtement. Deux, que j’ai bien fait d’épouser une Oumaima, car avec une Chahinaz ou une Chahrazade, la casquette n’aurait pas vraiment été heureuse...l

Articles similaires