Régis Debray est sans doute un des intellectuels les plus originaux du dernier demisiècle. Son apport au monde des idées a, d’abord, été conséquent et régulier: depuis les années 1960, il a écrit pas moins d’une soixante-dizaine d’ouvrages, allant du témoignage à la littérature en passant par la philosophie, discipline dont il est issu à l’origine. Il a, notamment, forgé la “médiologie”, qui s’occupe d’étudier la diffusion de la culture dans la société au travers, principalement, des média (“Cours de médiologie générale”, éditions Gallimard).
M. Debray a en outre été un acteur actif de son temps: c’est en prenant part au mouvement de guérilla du révolutionnaire argentin “Che Guevara” en Bolivie en 1967 qu’il s’est fait connaître dans le monde entier (“La Guérilla du Che”, éd. Seuil). Capturé par l’armée bolivienne, torturé, l’intellectuel est sur le point de passer au poteau. Il est finalement condamné à perpétuité, mais sera libéré au bout de trois ans, suite, notamment, à une campagne de solidarité internationale lancée par le philosophe Jean-Paul Sartre.
Du Chili, où il rencontre le président socialiste Salvador Allende pour un livre d’entretiens (“Entretiens avec Allende sur la situation au Chili”, Seuil), il rentre enfin en France, où il fréquente les milieux politiques et culturels d e gauche. Il loge, notamment, en compagnie du cinéaste Chris Marker, chez l’actrice Simone Signoret, connue pour son engagement communiste. Par ailleurs, il participe, en 1974, à la campagne électorale présidentielle de François Mitterrand, premier secrétaire, alors, du Parti socialiste (PS) français, qui échouera, cela dit, face au candidat de la droite, Valéry Giscard d’Estaing.
Lorsque sept plus tard, en 1981, M. Mitterrand accède enfin à la présidence de la République, il rappelle M. Debray en tant que conseiller. Une période dont l’intéressé sort foncièrement déçu. Il en garde, jusqu’à aujourd’hui, une vision désabusée du monde (“Contretemps: Éloge des idéaux perdus”, éd. Gallimard).
Dans son ultime ouvrage, “Carnet de route”, M. Debray revient sur ses cinquante dernières années de vie, forcément, palpitantes. Le livre est émaillé de textes d’époque, écrits lorsque le concerné était encore dans le feu de l’action. Ils en donnent une posture vivante, qui retracent, dans une démarche volontiers intimiste, des moments forts de l’Histoire récente.