Ouverture du capital des cliniques privées aux investisseurs étrangers

On exploite bien la misère des Marocains

Pour de nombreux professionnels de la santé, l’ouverture du capital des cliniques privées aux investisseurs étrangers devrait être profondément examinée. Car pour eux, l’expérience d’ouvrir le capital des cliniques aux investisseurs marocains non médecins n’a pas donné grand chose.

La nouvelle réforme de notre système de santé, présentée, lundi 26 avril 2021, par le ministre de la santé, Khalid Aït Taleb, devant le parlement, donne au secteur privé une place importante dans ce secteur.

Alors qu’elles avaient été ouvertement critiquées pour leur comportement «mercantile» vis-à-vis des malades du Covid-19 en procédant au gonflement des factures d’hospitalisation et des soins médicaux, ce qui a soulevé une énorme indignation dans l’opinion publique nationale, les cliniques privées vont redevenir, grâce à cette nouvelle réforme, des acteurs majeurs dans l’action sanitaire. Un renforcement de rôle qui nécessitera, sans aucun doute, des financements encore plus importants.

C’est ainsi qu’après avoir ouvert leur capital aux investisseurs non médecins, grâce à une précédente réforme mise en place en 2015 par l’ancien ministre de la santé, Lhoussine El Ouardi, il est désormais temps pour son successeur d’intégrer les investisseurs étrangers, qui seront autorisés à ouvrir des cliniques privées au Maroc.

Des questions légitimes
Une proposition qui ne semble pas accueillir des opinions favorables dans le corps médical. Ou du moins les professionnels marocains de la santé demandent à ce que cette proposition soit encore profondément examinée. Pour Jaafar Heikal, professeur de médecine et économiste de la santé, «il faut d’abord évaluer cette expérience qui a consisté à ouvrir le capital des cliniques privées aux investisseurs marocains non médecins.

Je pense que cette expérience, bien qu’elle soit utile, n’a pas encore profité à tout le territoire national pour pouvoir généraliser l’offre de soins à tous les citoyens marocains». Un avis partagé par un autre professionnel de la santé, en l’occurrence le docteur Tayeb Hamdi, qui estime que la réforme de 2015 n’a pas donné grand-chose et qu’on peut se poser des questions légitimes sur l’opportunité d’étendre cette ouverture de capital aux investisseurs étrangers.

Certains n’hésitent pas à parler d’une marchandisation outrancière de la santé au Maroc. D’autres, en revanche, estiment que pour inciter les étrangers à venir investir dans le secteur de la santé, il faudrait introduire des règles de transparence et de vérité des prix, loin de la pratique du noir dans la médecine. Il faudrait également apporter des assurances de rentabilité autres que ces honteux chèques de garantie.

A cela s’ajoute une révision des normes de facturation, de la tarification nationale de référence, de la nomenclature nationale des actes, qui ne reflètent pas du tout le coût réel de certains soins. Mais, pour ne pas verser dans une tentative de marchandisation de la santé, le gouvernement est appelé à renforcer l’offre publique de santé et garantir aux Marocains, qui n’ont pas les moyens, de se faire soigner dans la dignité et l’efficacité.

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