ROMAN. Dans un pays peuplé d’intégristes, Bilqiss, une femme libre est poursuivie pour outrage à la religion. C’est alors que commence pour elle, un procès grotesque.
Son crime, avoir décidé, un bon matin, de se substituer au muezzin pour faire l’appel à la prière. Une idée saugrenue, qui a traversé l’esprit de Bilqiss et qu’elle n’a pu chasser. Une incartade qui s’avère lourde de conséquences. Dans cette partie du monde où la voix de la femme doit être tue, le caprice de Balqiss soulève la colère des hommes et l’expose à une poursuite judiciaire pour le moins ubuesque.
Dans le roman Bilqiss, de Saphia Azzeddine, le personnage éponyme bafoue la foi musulmane et met les fidèles face à leur bêtise. Cette jeune femme, qui a évolué au milieu de tant de barbus «redoutables de bêtise et de brutalité», ne les connaît que trop bien. Elle en a même épousé un. Et pourtant, elle ne s’est jamais laissé dompter par ces «frustrés sexuels». Esprit libre, Bilqiss a toujours refusé l’hypocrisie sociale érigée en règle de conduite. Elle aime et respecte la religion mais refuse de se laisser écraser par le poids de l’obscurantisme ambiant. D’ailleurs, elle n’est pas dupe et ne se fait pas d’illusion. Elle a compris que depuis le jour où elle née femme, son destin a été scellé et qu’elle était vouée aux «emmerdes». «L’accoucheuse, sur le seuil, le visage endeuillé, m’en voulait aussi de ne pas être un fils; je lui faisais rater une belle occasion d’être célébrée», lit-on dans le roman de Saphia Azzeddine.
Une femme éclairée
Et les tracas, elle en aura à revendre durant toute son existence. Le procès que lui a intenté la population suite à son forfait en est le couronnement. Intelligente et rebelle, elle n’a jamais vraiment trouvé sa place dans une société qui tente à infantiliser la femme. Elle représente tout ce que la communauté des mollahs craint et rejette. C’est à travers le procès ridicule de cette femme que l’on découvre sa personnalité. Son portrait s’affine au fur et à mesure et l’on découvre l’étendue de l’absurdité de son pays et de ses habitants. Au fil de l’intrigue apparaissent également des personnages qui pivotent autour de l’héroïne. On trouve ainsi le juge dont elle n’arrive pas à cerner la personnalité ni les intentions. En effet derrière son masque de représentant de la justice, ferme et intransigeant se cache un homme, avec ses faiblesses, qui n’est pas indifférent à la détresse et au charme de sa prisonnière. Il y a également cette journaliste américaine qui couvre le procès et qui est désemparée par ce qui arrive.
Elle ne comprend rien à cette société dont les codes lui échappent.