Bilan du gouvernement: Des réalisations, malgré tout


L’année 2022 a été une année difficile pour le gouvernement de Aziz Akhannouch. Néanmoins, sur le plan social, des réalisations ont pu voir le jour.

actualité politique du pays? Si l’on en suit ce qui est mis en exergue par les équipes de communication de M. Aziz Akhannouch sur les réseaux sociaux, elle se limiterait en cette fin d’année 2022 à l’épopée de la sélection nationale de football en Coupe du monde. Alors que nous nous acheminons vers la fin de l’exercice, les pages du Chef du gouvernement n’ont donné la part belle qu’à cela, exception faite de la généralisation, le 1er décembre 2022, de l’assurance maladie obligatoire (AMO) aux anciens bénéficiaires du régime d’assistance médicale (RAMED). Est-ce encore ce “silence” que, dans un de nos éditoriaux de fin octobre 2022, nous avions mis en question (lire n°1459, du 28 octobre au 3 novembre 2022)? Il faut rappeler que nous nous étions nous-mêmes appuyés sur un aveu fait par le propre M. Akhannouch en septembre 2021 dans la ville d’Agadir, où la jeunesse du Rassemblement national des indépendants (RNI), parti dont il est depuis octobre 2016 le président, tenait son université d’été annuelle. “Je ne suis pas de ceux qui aiment trop parler avant d’agir. Je préfère travailler d’abord, puis m’exprimer sur ce qui a été véritablement réalisé,” avait alors revendiqué le concerné.

Grands chantiers royaux

Il se peut, toutefois, que l’explication soit plus prosaïque et qu’il n’y ait tout simplement pas de quoi plastronner: même le chantier de l’AMO est d’ailleurs, il faut le rappeler, éminemment royal et figure à la base de la révolution sociale lancée en avril 2021 par le roi Mohammed VI dans le cadre du nouveau modèle de développement (NMD). Et, justement,  on pourrait en dire autant des principales réalisations relevées au cours des quatorze derniers mois où c’est M. Akhannouch qui a eu les commandes de l’Exécutif, toutes directement imputables au Souverain. Naturellement, rétorquera-t-on, notamment dans les rangs du RNI, il en va ainsi de la pratique politique au Maroc, où le gouvernement a d’abord un rôle d’intendance vis-à-vis du Palais, quel qu’ait été le relifting apporté par la Constitution du 1er juillet 2011. Et au moment où Mohammed VI l’avait chargé de former son cabinet suite à la première place du RNI aux législatives du 8 septembre 2021, M. Akhannouch n’avait lui-même rien dit d’autre: dans sa première déclaration aux médias, faite au palais royal de la ville de Rabat même, il avait indiqué que son principal objectif était de “mettre en œuvre les grands chantiers et stratégies de Sa Majesté le Roi”. Mais il avait aussi fait mention des “futurs programmes gouvernementaux”, qu’il allait un peu plus d’un mois plus tard décliner au parlement au moment de vouloir en obtenir le vote de confiance pour sa majorité, rejointe entretemps par le Parti authenticité et modernité (PAM) et le Parti de l’Istiqlal (PI). Où en est-on aujourd’hui de ces “programmes”? A l’évidence, en deçà encore des attentes, et c’est un constat d’autant plus criant maintenant que si, en 2022, le gouvernement Akhannouch a dû faire avec une loi de finances concoctée par son prédécesseur, que présidait le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Saâd Eddine El Othmani, le projet de loi de finances (PLF) actuellement en discussion au sein du parlement montre bien qu’il semble davantage se donner pour vocation de gérer les affaires courantes que de chercher à tenir les promesses électorales sur la base desquelles il a été élu. Lesquelles promesses avaient quand même consisté, on se le rappelle, en l’engagement sur cinq ans d’une enveloppe de 270 milliards de dirhams (MMDH) supplémentaires dans le social. Où sont ces 270 MMDH? Là aussi, on opposera le fait que l’État marocain n’a pas tellement de ressources et qu’il faudrait d’abord que celles-ci puissent être augmentées afin de se retrouver en mesure de financer le reste, ce que le PLF vise de façon perceptible, il faut le reconnaître, à faire: c’est cela qui semble d’ailleurs avoir motivé le choix de commencer à retenir l’impôt pour les professions libérales à la source (ce qui n’a, bien évidemment, pas été sans valoir au gouvernement une levée de boucliers en règle de la part des professionnels, comme l’ont montré les mouvements de protestation des avocats et autres médecins).

Des promesses suicidaires

Et beaucoup, aussi, n’oublieront pas d’ajouter à cela le contexte exceptionnel qu’a été celui des douze derniers mois, où en plus de la sécheresse, désormais clairement endémique et à prendre automatiquement en compte à l’avenir, le Maroc a aussi dû éprouver les effets de l’invasion en cours depuis le 24 février 2022 de l’Ukraine par la Russie, et ce au niveau de son approvisionnement en blé et surtout et aussi en gaz et pétrole. Mais les chocs externes, comme on les appelle dans le jargon économique, le RNI n’avait-il pas vraiment conscience de la possibilité qu’ils adviennent, lui qui, au cours des quinze dernières années, a eu des ministres des Finances issus de ses rangs au moment de la crise financière de 2008 et de la pandémie de Covid-19 à partir de mars 2020 (en les personnes respectives de Salaheddine Mezouar et Mohamed Benchaâboun)? De l’avis de certains observateurs rompus aux affaires gouvernementales, le sentiment qui prédomine est que le RNI et plus généralement la majorité qu’il dirige donnent l’impression d’avoir d’ores et déjà accompli leur devoir en réussissant à évincer le PJD, et que tout ne compte après que comme bonus. Et cet objectif de mettre fin à la parenthèse islamiste, qui durait depuis janvier 2012 déjà, aurait été tellement fort que le parti de la colombe se serait engagé sur des promesses difficile à tenir, en y incluant les 270 MMDH: quand on connaît l’état réel des finances publiques, le taux d’endettement en passe de dépasser les 100% du produit intérieur brut (PIB) national et le fait que le Maroc soit en même temps tenu par ses engagements envers les institutions financières internationales, on comprend rapidement qu’il est totalement irréaliste, voire suicidaire, d’engager une telle somme d’argent en aussi peu de temps et ce même en élargissant l’assiette fiscale à qui mieux mieux… Au vu des compétences dont il dispose, le gouvernement Akhannouch peut, ceci dit, assurément mieux faire et pouvoir se prévaloir de meilleurs résultats. Le cas échéant, M. Akhannouch pourra légitimement continuer de faire profil bas.

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