Bilan gouvernemental 2021: Vivement 2022

Trop tôt peut-être pour en juger vraiment, mais pour l’heure les éléments dont on dispose à propos du gouvernement ne laissent rien présager de bon pour le quinquennat en cours.

C’est le 14 janvier 2022 que le gouvernement Aziz Akhannouch doit compléter ses cent premiers jours. Ce qui fera que sera alors atteint le délai de grâce que l’on accorde en général à tout cabinet qui vient de s’installer avant de se prononcer sur son action. Mais dans le cas d’espèce, a-t-on vraiment besoin d’attendre autant de temps? D’autant que les éléments ne manquent pas, et qu’il est dans une certaine mesure déjà possible de tirer certaines conséquences.

Lesquelles? Celle qui, d’abord, s’impose le plus aux yeux de nombreux Marocains: qu’en dépit du départ du Parti de la justice et du développement (PJD) après près de dix ans d’une gouvernance à tout le moins désastreuse, rien ne semble vraiment changer. La manifestation la plus éloquente, c’est bien sûr la façon dont la pandémie de Covid-19 continue d’être gérée, avec d’ailleurs le même homme qui reste aux manettes, en l’occurrence le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb.

Et il vaut mieux effectivement parler de “façon” que de stratégie, tant rien ne semble tomber sous le sens en dehors du style caractéristique défiant toute rationalité autre que radicalement sanitaire: rappelons par exemple comment il avait été, presque du jour au lendemain, décidé d’imposer un pass vaccinal, rapidement changé en pass sanitaire suite à une intervention du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) -qui n’avait même pas été consulté auparavant, comme il aurait dû l’être. Idem, plus tard, en ce qui s’agit de la fermeture des frontières aériennes, adoptée en comité restreint, sans en référer à toutes les parties concernées (notamment les responsables du tourisme, dont le secteur en est fortement impacté).

Promesses électorales
Et, que dire, pour en rester au département de la Santé, du couac de départ Nabila Rmili, nommée le 7 octobre 2021 en tant que ministre avant de devoir céder une semaine plus tard son tablier à M. Aït Taleb après qu’il se fut (soi-disant) avéré qu’il lui était impossible d’assurer la fonction parallèlement à sa casquette de mairesse de Casablanca? Improvisation, encore et toujours.

Bien évidemment, certains argueront qu’il s’agit là de faits foncièrement anecdotiques, et que c’est sur les orientations de long terme qu’il faut plutôt juger. Vrai -bien que lesdits faits restent, il faut le dire, révélateurs-, mais même là il n’y a pas vraiment grand-chose à se mettre sous la dent. Où en est-on par exemple de l’ambitieux programme d’investissement de 44,7 milliards de dirhams (MMDH) promis au cours de sa campagne par le Rassemblement national des indépendants (RNI), dont est issu le gouvernement Akhannouch? Le projet de loi des finances (PLF) adopté le 6 décembre 2021 n’en comporte aucunement la couleur. Le texte est, certes, dû au gouvernement Saâd Eddine El Othmani, mais des ajustements auraient bien pu y être apportés, ce qui n’a pas été le cas.

Et quoi qu’il en soit, le RNI savait bien lorsqu’il menait campagne que s’il venait à arriver premier aux législatives et donc à prétendre à prendre les commandes du gouvernement, il trouverait dans les circuits une version du PLF qui ne serait pas la sienne: a-til donc sciemment menti? Vaines promesses électorales ayant pour seul objectif d’accéder à la tête de l’Exécutif? Et, en fin de compte, y a-t-il jamais cru? Car dès la présentation, le 11 octobre 2021 par M. Akhannouch au parlement, de son programme gouvernemental, nombreux avaient été ceux, y compris à Maroc Hebdo, à se poser la question sur sa faisabilité financière, d’autant que comme en avertissait le trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda, au dernier colloque international des finances publiques tenu les 19 et 20 novembre 2021 dans la ville de Rabat, les finances nationales sont, du fait d’un endettement “excessif”, désormais plus que dans le rouge; la seule solution restant étant celle de l’élargissement de l’assiette fiscale, ce que le gouvernement Akhannouch, visiblement réticent à secouer le cocotier, n’a pas fait et ne fera peut-être jamais.

Nouvelles mentalité
Autre point sur lequel la nouvelle majorité était également attendue, celui de l’intégration des enseignants contractuels à la fonction publique: en l’état, le moins que l’on puisse dire est que le Maroc ne peut pas se le permettre -cela ajouterait à la déliquescence de ses équilibres macroéconomiques-, mais en fin de compte le RNI ainsi que le Parti de l’Istiqlal (PI), qui siège également avec le Parti authenticité et modernité (PAM) au parlement, s’étaient engagés à le faire. Or finalement, l’on voit le ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, tergiverser. S’il était évident qu’effectuer un tel pas serait problématique, pourquoi l’avoir tout bonnement abordé et donné de faux espoirs à des milliers d’enseignants dont les revendications restent, on ne peut par ailleurs le nier, légitimes?

Enfin, on peut mettre dans le même sillage le “serment” du secrétaire général du PAM et ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui, fidèle à un propos qu’il avait dès fin novembre 2020 tenu auprès du média électronique Febrayer, avait annoncé le 10 novembre 2021 sur l’émission Confidences de presse sur la chaîne 2M qu’il allait adresser au roi Mohammed VI une demande de grâce en faveur des derniers détenus du mouvement de protestation rifain du Hirak ach-chaâbi d’Al-Hoceima, avant de finir par se désavouer une semaine plus tard sur les ondes de la Radio nationale en avançant qu’il n’avait “pas de qualité pour la déposer”.

En français, cela s’appelle de la tartuferie. Il ne faudrait bien sûr pas généraliser: comme d’ailleurs sous M. El Othmani, le gouvernement Akhannouch peut s’enorgueillir de compter à son bord différents gros calibres qui font qu’il répond à la demande qu’avait faite le roi Mohammed VI dans son discours du Trône du 29 juillet 2019 de compter sur “des profils dotés d’une nouvelle mentalité”. Le moment venu, la lumière sera portée sur eux, en espérant qu’ils ne seront pas seulement des arbres isolés tentant vainement de cacher une forêt de calamités...

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