Le RNI nouveau est arrivé
Beaucoup ont vu dans l’élection en octobre 2016 de Aziz Akhannouch à la tête du Rassemblement national des indépendants (RNI) une simple manoeuvre du pseudo-Etat parallèle pour garder la main sur le champ politique. En clair, mettre un proche du Palais royal aux commandes d’un parti de la place traînant déjà, au passage, une réputation (sévère, pour le moins) de formation d’administration pour continuer d’exercer son contrôle indirect -le fameux “tahakkom”-, et surtout empêcher le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, de former son nouveau gouvernement.
Une accusation, de façon regrettable, colportée par de nombreux médias nationaux. Car ceux-là oublient en fait, au-delà bien sûr de l’absurdité de la théorie, que le retour du ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime sortant à sa famille politique, après en avoir démissionné en 2011, répond d’abord, en fait, à une demande interne. En effet, c’est les caciques du RNI, suite à la démission de Salaheddine Mezouar du poste de secrétaire général, qui l’avaient proprement contacté et demandé de prendre en main le parti.
Identité libérale
C’est que malgré son bilan positif au gouvernement ces trois dernières années, avec des départements bien plus sensibles il faut le rappeler que les autres formations de la coalition gouvernementale (Affaires étrangères et Coopération, Economie et Finances, Industrie, Commerce, Investissement et Économie numérique), a malheureusement vu son nombre de sièges à la chambre des représentants, chambre du parlement, baisser (c’est d’ailleurs la principale raison derrière la démission de M. Mezouar).
Un quasi échec qui, à terme, pourrait se transformer en tendance, comme cela a déjà été le cas ailleurs. A ce titre, on peut d’ores et déjà voir un changement commencer à s’opérer, sans pour autant sacrifier à l’identité libérale du parti. Une marque de fabrique à laquelle M. Akhannouch souhaite donner une teneur plus accentuée et plus populaire, à travers le slogan qu’il a plusieurs fois répété dans une vidéo sur les réseaux sociaux à l’adresse de la population de son Souss natal, “agharas agharas” (c’est-à-dire, dans le dialecte berbère de la région, en adoptant des valeurs rectes et intègres). Dans certains médias, on commence même à qualifier le nouveau chef de “monsieur agharas”.
Pour ce faire, l’intéressé devrait certainement s’appuyer sur son savoirfaire de gestionnaire, étant l’un des hommes d’affaires les plus brillants et les plus établis de l’Histoire du pays, mais aussi d’homme d’Etat, à travers une expérience de bientôt une décennie aux affaires du gouvernement. A cet égard, on peut mentionner que sous ses commandes, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime a pu se targuer d’un des meilleurs bilans, tous départements confondus, comme l’illustre, à titre d’exemple, la mise en oeuvre réussie du Plan Maroc vert. Cependant, au RNI, M. Akhannouch fait sans doute face à l’un des plus importants défis de sa carrière. Le parti n’est certes, pas complètement à structurer, puisque malgré tout, on ne peut pas parvenir à rafler une trentaine de sièges au moins à chaque élection législative par hasard. Il faut, certainement, de l’enracinement, couplé à un travail de longue haleine, particulièrement au niveau des communes, et désormais aussi des régions.
Démocratie interne
Mais l’on ne peut, cela dit, constater que la formation fondée par Ahmed Osman ne carbure pas toujours à plein régime, et qu’elle n’égale pas à chaque fois son grand potentiel. Elle pourrait très bien ainsi, dans le futur, donner lieu à une véritable troisième voie, au milieu du bipartisme qui au fur et à mesure tend à se dessiner dans la politique marocaine, entre d’un côté le PJD islamiste, et de l’autre de le Parti authenticité et modernité (PAM), moderniste.
Les partis issus du mouvement national indépendantiste des années 1930, 1940 et 1950, si l’on excepte peut-être à moyen terme le Parti de l’Istiqlal (PI), et encore, devrait à coup sûr, au fur et à mesure, perdre irréversiblement davantage de leur superbe. Quelles solutions, concrètement, pourraient dans ce sens apporter M. Akhannouch? Quel plan de travail? Parmi les changements évoqués, et qui avec le temps devraient sans doute devenir plus perceptibles, c’est le renforcement de la démocratie interne.
On a vu, ainsi, au cours des multiples réunions régionales, les militants parler plus librement qu’auparavant, et s’exprimer sans embarras sur les problèmes de leurs partis, dans des scènes qui, il faut le souligner, ne sont pas encore communes à toutes les formations. Un discours auquel M. Akhannouch, ainsi que les autres membres du bureau politique, se sont montrés très réceptifs.
Les valeurs de mérite
Ensemble, ils semblent décidés à chasser l’image du parti auquel l’on fait adhérer des gens sans aucun passé pour les parachuter du jour au lendemain au gouvernement ou une autre responsabilité administrative. M. Akhannouch s’est, à ce propos, engagé personnellement à consacrer les valeurs de mérite, mais aussi d’investissement personnel.
Enfin, on ne peut évoquer le RNI nouveau sans mentionner la nouvelle alliance avec l’Union constitutionnelle (UC), un parti partageant le même référentiel idéologique. Une fusion pure et simple serait même, d’après certains sources, à l’étude. En tout cas, pour le moment, ils forment un seul et même groupe parlementaire à la chambre des représentants, qui fait d’eux, désormais, la troisième force politique du pays. Qu’il prenne part au gouvernement Benkirane ou pas, le RNI devrait, certainement, au cours des cinq prochaines années, connaître une revue en profondeur, à même de le remettre, sans doute, sur le droit chemin de l’Histoire.