Le gasoil russe vendu au large du détroit de Gibraltar provoque des ondes de choc au Maroc riverain. Entretien d’Antonio Muñoz Secilla, porte-parole du collectif d’ONG espagnoles «Verdemar Ecologistes en Action», qui dénonce ces pratiques.
Cela fait plusieurs mois que le trafic du gasoil russe au niveau du détroit de Gibraltar a été révélé. Où en sommes-nous actuellement ?
À Verdemar Ecologistas en Acción, nous pouvons confirmer que les navires russes continuent de transférer du carburant au large de Sebta. Malgré le fait que le ministère des Transports, par l’intermédiaire de la Direction Générale de la Marine Marchande (DGMM), a soumis une proposition au comité juridique de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), visant à limiter les transbordements pétroliers de navire à navire (STS) de navires russes navires au large de Sebta à destination de l’Asie, des pétroliers en provenance de Russie continuent de s’approvisionner au large de Sebta, en mer d’Alboran. Ces opérations de soutage sont réalisées dans la Zone économique exclusive (ZEE) de la mer d’Alboran par moments, d’autres dans la Zone contiguë à la Mer Territoriale du Maroc.
Pourtant ces activités sont censées être interdites...
Oui, l’Union européenne les a interdites à la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Verdemar EA a déjà dénoncé les faits devant le ministère des Affaires étrangères et n’a reçu aucune réponse. Il y a des dizaines de navires de Russie qui parcourent la mer Baltique, traversent la Manche et le détroit de Gibraltar pour attendre d’autres navires et procéder au déchargement.
Actuellement (au moment de l’entretien, le 12 avril 2023, ndlr) trois navires en provenance des ports russes d’Ust-Luga Anch et Primorsk, se trouvent au large de Ceuta en attente de déchargement de carburant, le pétrolier Volans battant pavillon de la Barbade, le navire Simba naviguant actuellement sous pavillon camerounais, et le Vesna qui navigue sous pavillon bélizien. Le navire, en provenance du port russe de Primorsk, déchargeait du carburant sur le navire Scorpius, battant pavillon panaméen, depuis le port chinois de Changxindao.
Quels risques peuvent avoir ces opérations sur le Maroc ?
Ces transferts sont effectués sans contrôle, parfois avec la surveillance par satellite (AIS) désactivée, et les opérations de soutage sont réglementées par l’Organisation maritime internationale dans l’accord Marpol. En principe, toute opération de transbordement de carburant dans la ZEE doit être communiquée à l’État côtier. Chaque pays riverains dont le Maroc doit savoir ce qui s’y passe. Il faut rappeler qu’il est question de pétroliers qui peuvent contenir 100.000 tonnes de carburant. Un accident peut contaminer toute la mer d’Alboran pendant de longues années.
Sachant que cette région représente un passage important pour les thons, cétacés, baleines et autres espèces. Puis l’économie touristique des deux rives sera lourdement affectée en cas d’accident. Je précise d’ailleurs que les pétroliers que nous avons localisés ont été confrontés à une tempête pas loin du détroit de Gibraltar alors qu’ils se préparent à effectuer les tâches de transfert d’hydrocarbures. À Verdemar EA, on ne peut que dénoncer ces pratiques dangereuses qui mettent en danger l’environnement dans la mer d’Alboran.