Amina Bouayach: "Les enfants en situation de handicap restent largement discriminés"

Entretien avec amina bouayach, présidente du conseil national des droits de l’homme (CNDH)

Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) organisent, du 15 au 26 février 2021, des journées de sensibilisation et de formation autour des droits des enfants en situation de handicap. Amina Bouayach, présidente du CNDH, nous explique les objectifs de ce programme et énumère les stratégies à mettre en oeuvre pour promouvoir une éducation inclusive au Maroc.

Qui est-ce qui motive l’organisation de ces journées de sensibilisation et de formation autour des droits des enfants en situation de handicap?
Effectivement, le CNDH et l’OMS ont lancé, à partir du 15 février 2021, des journées de sensibilisation et de formation autour des droits de l’enfant en situation de handicap (ESH). A travers ces journées, qui se poursuivent jusqu’au 26 février 2021, nous souhaitons promouvoir les droits des enfants en situation de handicap, consolider les connaissances des acteurs concernés sur les normes et le référentiel national et international en matière des droits des ESH, à travers la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, la convention internationale des droits de l’enfant et la Constitution marocaine, qui bannit toutes les formes de discrimination sur la base du handicap.

C’est aussi une opportunité pour créer un espace de dialogue interactif entre les différentes parties prenantes de ce programme national autour de l’effectivité du droit à un parcours éducatif inclusif à l’enfant marocain, notamment la petite fille handicapée, et promouvoir des outils qui permettront de changer le regard et la perception du handicap. Notre ambition, que nous partageons avec l’OMS, est de relever les articulations nécessaires pour mettre en place les opérations de protection adéquates ou de réajuster celles déjà en vigueur. Le principe de participation des enfants à ces ateliers revêt une grande importance pour le CNDH, pour pouvoir définir, à partir de leurs droits en tant qu’enfants en situation de handicap, leurs propositions et appréciations des orientations pour nos actions futures.

Peut-on connaitre vos principales cibles?
Les activités et ateliers organisés dans le cadre de ces journées sont essentiellement des actions de promotion et de renforcement des capacités des acteurs concernés par la mise en oeuvre du programme national d’éducation inclusive. Ils sont principalement destinés aux professionnels de l’éducation et de la santé, aux associations de parents d’élèves en situation de handicap, aux familles et aux élèves des écoles inclusives au niveau de deux sites pilotes à Rabat et Casablanca. Le ministère de l’Education nationale a récemment lancé des cours à distance sur le langage des signes pour les élèves sourds-muets.

Cette initiative pourrait-elle permettre une meilleure intégration de ces écoliers dans le système éducatif? Nous saluons le programme mis en place par le ministère de l’Education nationale, qui a permis l’inclusion d’une catégorie importante d’enfants en situation de handicap ayant une déficience sensorielle. Nous sommes conscients que le processus d’inclusion des ESH sera progressif tant au niveau des dispositifs juridiques, des curricula, des aménagements nécessaires dans l’environnement de l’école, qu’au niveau de l’accessibilité universelle à savoir le langage des signes comme identité linguistique des personnes sourdes-muettes. Notre défi majeur aujourd’hui, c’est la mobilisation et l’adhésion de toutes les parties prenantes à ce programme pour réussir l’effectivité de ce droit fondamental qu’est le droit à l’éducation.

Quelles sont, selon vous, les stratégies à mettre en oeuvre, au niveau national, pour promouvoir une éducation inclusive au profit des enfants en situation de handicap?
Nous constatons que les enfants en situation de handicap au Maroc restent largement discriminés par rapport à l’accès aux droits fondamentaux, à savoir le droit à la santé et à l’éducation inclusive, dix ans après l’adoption de la constitution de 2011.

Cette discrimination est perceptible au niveau des procédures d’inscription dans les écoles, l’accès à l’éducation spécialisée, à l’éducation des adultes, au préscolaire en l’absence de mesures d’accompagnement (auxiliaires de vie scolaire et assistants à l’autonomie), le braille, la langue des signes unifiée, ainsi que l’adaptation des programmes pour permettre à toutes les personnes handicapées d’accéder sans discrimination à tous les niveaux de l’éducation. Aujourd’hui, le Maroc, en tant qu’Etat-partie à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, est tenu de mettre en oeuvre les observations générales et les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées en tant qu’organe de traité.

Ces observations ont été élaborées lors de l’examen du rapport initial du Royaume en 2017 et ont essentiellement porté sur l’effectivité des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap (PSH) notamment le droit à l’éducation inclusive. Ce suivi au niveau national doit se faire par le biais de stratégies inclusives, multisectorielles, basées sur l’approche des droits de l’Homme et l’approche participative dans la planification, la mise en oeuvre et dans le processus de suivi et évaluation.

La pandémie de Covid-19, qui impose des règles de distanciation sociale et certaines restrictions, notamment dans les établissements et transports publics, a-t-elle eu des impacts sur l’accompagnement et la prise en charge de ces écoliers et des personnes en situation de handicap, en général?
Certainement, la pandémie de COVID-19 a un impact disproportionné sur les enfants en situation de handicap, qui se heurtent à des obstacles considérables dans l’exercice de leurs droits d’accès à l’éducation. Il convient de rappeler que les besoins éducatifs des enfants et des adolescents ayant des difficultés scolaires sont les mêmes que pour les autres élèves. Dès la fermeture des établissements scolaires le 16 mars 2020, des moyens ont été mis en place afin d’assurer la continuité pédagogique via des supports numériques et audiovisuels à disposition des cadres et du corps enseignant, mais les observations du CNDH sur la qualité de l’enseignement à distance ne sont pas satisfaisantes.

Les élèves en situation de handicap scolarisés dans les dispositifs d’éducation ordinaire ou d’inclusion, n’ont pas suffisamment bénéficié d’une attention particulière. Certes, il y a eu des fiches d’exercices, des contrôles et les contenus prévus pour l’éducation inclusive via les supports audiovisuels et numériques proposés pour les enfants et jeunes scolarisés, mais le suivi laisse à désirer

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