Le non-respect des injonctions du conseil de la concurrence nourrit un manque de crédibilité chez cette instance.
Le Conseil de la concurrence a-t-il réellement les moyens de ses ambitions ? La question mérite sérieusement d’être posée. Autrefois considéré comme une coquille vide se limitant à émettre des avis consultatifs occasionnels sur des pratiques commerciales portant atteinte à la libre concurrence entre les opérateurs économiques, le conseil semble, peu à peu, prendre du poids et commence à exercer un pouvoir d’influence plutôt nuancé pour la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles.
Son premier président, Abdelali Benamour, qui a dirigé le conseil à partir de sa création en août 2008, n’avait pas cessé d’appeler dans les médias à une consolidation du statut du Conseil de la concurrence en le dotant d’un pouvoir de décision pour élargir son statut consultatif initial. Mais son voeu n’a jamais été exaucé.
Driss Guerraoui, ancien conseiller économique de l’ex-premier ministre socialiste, Abderrahmane Youssoufi, qui lui a succédé en novembre 2018, n’a pas, non plus, réussi à concrétiser cette ambition. Et ce bien qu’il eût été animé par une volonté de faire bouger les lignes, notamment sur le dossier des hydrocarbures, qui lui a coûté son poste. Son successeur, Ahmed Rahhou, ancien patron de CIH Bank et ex-ambassadeur du Royaume à l’Union européenne, semble, néanmoins, réussir le pari. En mai 2023, sur décision gouvernementale, le Conseil de la concurrence est, enfin, enrichi par deux textes de loi qui complètent son arsenal juridique et renforcent son pouvoir de sanctions sur les entreprises.
Les deux textes sont des décrets d’application qui visent à compléter l’arsenal juridique lié à la concurrence et à renforcer l’impartialité et les capacités du conseil. Depuis cette date, l’instance de régulation des marchés multiplie les avis et les injonctions pour marquer son territoire. Parmi ses récentes injonctions: la mise en garde lancée contre certaines grandes entreprises qui recourent au service de paiement en ligne de leurs factures et qui font supporter la charge de ce service à leurs clients en plus de la facture à payer.
Les frais surfacturés par voie digitale varient entre 4 et 10 dirhams. Outre son caractère abusif et non justifié, la pratique est susceptible de fausser le libre jeu de la concurrence. En plus, en recourant à ce service, les entreprises profitent déjà d’économies gagnées sur les coûts d’investissement et d’exploitation liés au recouvrement des factures.
Mais force est de constater que malgré cette mise en garde, adressée en mai 2023, les entreprises concernées continuent toujours de facturer les frais digitaux. Le Conseil de la concurrence revient à la charge et publie un communiqué en juillet 2023 pour menacer de sanctions les opérateurs récalcitrants.
Pour beaucoup, le non-respect par certaines entreprises, parmi les plus importantes de la place, des injonctions du Conseil de la concurrence, nourrit un manque de crédibilité et surtout d’autorité chez cette instance qui peine encore, il faut bien le dire, à imposer sa loi sur les marchés. Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne.
Le pouvoir du conseil vient d’être renforcé, il y a à peine quelques mois, et il lui faut certainement du temps pour se reconstruire. Toutefois, le conseil laisse éclater quelques signes de bonne santé qui puissent redorer son image. Ses deux derniers avis, l’un sur le dossier des hydrocarbures et l’autre sur les assurances, qui ont soulevé de nombreux griefs sur des pratiques anticoncurrentielles dans deux secteurs stratégiques de l’économie marocaine, traduisent une volonté affichée du conseil de mieux s’affirmer. Une quête constante pour une concurrence loyale et équitable sur le marché.
En effet, pour les hautes autorités de l’État, la concurrence est devenue un levier essentiel pour le développement économique et la création d’emplois dans le pays. Et cette institution devrait ainsi être en mesure de mieux réguler le marché et de prévenir les pratiques anticoncurrentielles, ce qui bénéficiera aux consommateurs marocains ainsi qu’aux entreprises du pays.