Les politiques et les médias algériens n’ont eu, ces derniers jours, qu’une seule obsession: désigner le Maroc comme le pays qui se trouverait derrière les derniers événements de Ghardaïa. Ahmed Ouyahya, chef de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, et Abdelmalek Sellal, Premier ministre algérien, ont tous les deux accusé le Maroc, en des mots à peine voilés, de vouloir semer le chaos dans la vallée du M’zab. Le premier y voit en effet une main étrangère tandis que le second parle d’un Etat frère qui «aurait soutenu financièrement les mouvements amazighs autonomistes mzab». Mais ni l’un ni l’autre ne disposent de preuves concrètes pour étayer leurs accusations fallacieuses.
Ce qui s’est passé à Ghardaïa, à 600 km au sud d’Alger, est révélateur d’une situation politique explosive en Algérie. Au-delà du conflit entre Berbères et Arabes, les affrontements renferment clairement un malaise social très profond, reflet de l’incapacité du pouvoir central à démocratiser le pays. Au total 30 personnes environ ont trouvé la mort dans les heurts de Ghardaïa.
La situation sécuritaire dans la région s’est nettement dégradée depuis la visite, vendredi 3 juillet, du nouveau ministre de l’intérieur qui a accusé «des parties tendancieuses» de vouloir semer la division parmi les populations de cette wilaya.
Des manifestations de soutien à la ville de Ghardaïa, assiégée un certain temps, ont été organisées dans les villes voisines, dans la capitale d’Alger et même en Europe et au Canada. Les heurts ethniques entre Mozabites amazighophones, de rite ibadite, et les Chaâmbas, des Arabes malékites, ont fait des dizaines de victimes depuis décembre 2013, outre l’incendie et la destruction de centaines de maisons et de magasins.
Défaillance délibérée
Si les faits de violence ne sont pas nouveaux dans la région, aucun dispositif n’a pourtant été mis en place par l’Etat. D’ailleurs, les observateurs locaux s’interrogent sur une défaillance délibérée des autorités locales. Ces dernières, accusées par les Mozabites d’abandon volontaire, se seraient plusieurs fois abstenues de ramener l’ordre obligeant l’intervention de la gendarmerie envoyée de l’extérieur.
L’indignation de la population et de l’opposition politique face à la vacance du pouvoir dans le gestion de cette tragédie nationale, ont poussé Abdelaziz Bouteflika à adopter des mesures pour le rétablissement de l’ordre à travers la wilaya de Ghardaïa. Mais les mesures annoncées par le chef de l’Etat n’ont cependant pas eu les effets escomptés puisque la région connaissait de nouvelles escalades de violence la semaine dernière.
Les opposants au régime algérien y voient plutôt un signe supplémentaire de la véritable faillite de l’Etat.