Les fraudes et les magouilles des patrons ne peuvent être tolérées comme en "temps normal"

Moulay Hafid El Alamy au Parlement

Est-ce qu’il y a un temps où l’on peut tolérer l’impunité des magouilleurs et des fraudeurs et un autre temps qui ne le permet pas?

Le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, Moulay Hafid EL Alamy, est aussi un citoyen. Il ne peut pas supporter qu’on subtilise l’argent public en ces temps de crise sanitaire où la solidarité est de mise. Il ne faut donc pas lui en vouloir s’il s’est laissé emporter, dépassant un peu ses prérogatives, le 23 avril 2020, lors d’une réunion de la Commission des finances et du développement économique, en tenant des propos un peu menaçants et durs à l’endroit des entreprises privées qui fraudent pour profiter des aides du Fonds spécial Covid-19 et des textiliens qui seraient tentés, en ce temps de pandémie, par l’export avec ce qu’il comporte comme profits faramineux plutôt que de servir le marché local à bénéfices moindres.

«Il se peut que les entrepreneurs ne soient pas contents de ce que je vais dire. Mais j’en assume l’entière responsabilité. Ce n’est pas le moment des magouilles par ces temps de crise. Ce n’est pas de la délation. Quiconque tente de frauder ou de magouiller doit payer le prix cher. S’ils subtilisent un peu d’argent en temps normal, on aurait pu fermer un peu les yeux. Mais en ces temps de crise, c’est inacceptable de vider le Fonds spécial Covid-19 créé par S.M. le Roi Mohammed VI et en priver ainsi des gens qui sont dans le besoin. Les auteurs des magouilles devraient être jugés et emprisonnés. Payer des pénalités n’est pas suffisant.

En tant qu’ex-président de la CGEM, je connais les fourberies dont sont capables les chefs d’entreprises. J’avais déjà alerté, au début de la crise, mon collègue le ministre des Finances et je l’avais avisé qu’il y aurait certains qui allaient chercher à toucher des aides et continuer même à faire travailler leur personnel. Ceux-ci doivent aller en prison. Il ne faut pas qu’il y ait des pénalités. Ils doivent être jugés et emprisonnés. C’est la meilleure façon pour se rééduquer. Ça devient une maladie», a-t-il lancé faisant référence aux fraudes à l’indemnité CNSS décriées autant par Mohamed Benchaâboun que par Mohamed Amekraz, ministre du Travail.

Urgence sanitaire
Sans langue de bois, comme de coutume, il semble que Moulay Hafid El Alamy a tout de même omis, par le passé comme aujourd’hui, de dénoncer ces magouilleurs qu’il connaît bien en donnant leurs noms. Comment fait-il fi de la loi sur l’état d’urgence sanitaire et des décisions du comité de veille économique dont il est membre en demandant à remplacer les sanctions pécuniaires par des sanctions privatives de liberté à l’encontre des entrepreneurs «magouilleurs» et «fraudeurs» alors qu’il existe une institution chargée de mener des enquêtes judiciaires et qui suppose la présomption d’innocence jusqu’à preuve du contraire?

Est-ce qu’il y a un temps qui permet des magouilles ou plutôt où l’on peut tolérer l’impunité des magouilleurs et des fraudeurs et un autre temps qui ne le permet pas? Et s’il est au courant que des textiliens ou industriels fraudent en privilégiant l’export au marché local où ils vendent à bénéfices moindres, pourquoi il ne les a pas dénoncés avant ou même devant les parlementaires? Pourquoi alors n’a-t-il pas confié leurs dossiers à la justice?

 Aussi, quand il avance que «ce n’est pas le moment des magouilles par ces temps de crise. Ce n’est pas de la délation », c’est en soi une affirmation d’un membre du gouvernement et d’une personnalité politique que l’impunité sévit dans le pays. Si c’est le cas, il serait grave de ne pas s’arrêter aujourd’hui sur ces déclarations. Car d’après ses dires, si on doit attendre le «temps normal», les magouilles, les fraudes et les détournements seront de nouveau tolérés.

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