Abdellatif Jouahri et Aziz Akhannouch.
Il y aura toujours un avant et un après Abdellatif Jouahri. Connu pour son franc parler, le Wali de Bank Al Maghrib n’a pas dérogé à la règle, ce mardi 24 septembre 2024, s’en prenant cette fois-ci au gouvernement de Aziz Akhannouch.
Lors de la conférence de presse organisée à l’issue de la troisième réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib, M. Jouahri a annoncé que l’institution monétaire maintient inchangé le taux directeur à 2,75 %. De la prudence ? peut-être, mais pas seulement ! Le fringant patron de la banque centrale a dénoncé, sans ménagement, l’opportunisme des investisseurs privés qui, en dépit de la dernière baisse du taux directeur, n’ont pas réagi de façon positive afin de créer des richesses et des emplois, évitant de prendre des risques même mineurs. Idem pour les banques qui ne réagissent pas au signal de Bank Al Maghrib en baissant leurs taux débiteurs (taux de crédits) afin de relancer l’activité économique et permettre aux petites et moyennes entreprises de contracter des crédits d’investissement.
La frilosité des investisseurs privés a un impact sur la hausse inquiétante du chômage, notamment des jeunes. Sur ce registre, outre les investisseurs privés, le gouvernement Akhannouch en assume la grosse part de responsabilité, du fait qu’il n’a rien fait (ou pu faire) pour juguler ou freiner la «hausse préoccupante du taux de chômage des jeunes».
Gouvernance bancale
L’une des conséquences de cette véritable bombe à retardement sociale est la tentative collective de milliers de jeunes marocains dont des mineurs de passer par la force le poste-frontière de l’enclave de Sebta les événements, le 15 septembre 2024. Dans la foulée, M. Jouahri a déclaré sans ambages que le chômage des jeunes était un facteur clé de cette tragédie, tout en précisant que «la plupart des emplois perdus étaient dans le secteur agricole, à cause de la sécheresse et des conditions climatiques».
Les propos du Wali de Bank Al-Maghrib (BAM) n’ont pas plu à M. Akhannouch et consorts. Evitant de se faire lyncher publiquement, les partis composant la majorité gouvernementale ont fait réagir des présidents de leurs groupes parlementaires à la Chambre des représentants. Certains, tout en reconnaissant la hausse sensible du chômage des jeunes, ont insisté, encore, sur «l’intervention d’acteurs extérieurs».
Même en admettant la manipulation des jeunes par le régime algérien via des appels anonymes diffusés sur les réseaux sociaux, notamment Tik Tok, il n’en demeure pas moins qu’elle est révélatrice d’une gouvernance bancale.
Durant le seul mois d’août 2024, plus de 11 000 tentatives de migration irrégulière à destination de l’Espagne avaient été déjouées. Y avait-il là encore la main invisible de Algérie derrière toutes ces tentatives ?! Voyons !
Il y a quelques mois, fin novembre 2023 précisément, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dirigé par Ahmed Réda Chami a donné un avis intitulé «les jeunes NEET: quelles perspectives d’inclusion socio-économique», une étude pointue qui a mis le focus sur 1,5 million de jeunes âgés entre 15 et 24 ans, dits en situation NEET (ni accès à l’emploi, ni à l’éducation, ni à la formation), une catégorie « à risque » qui endure de multiples formes d’exclusion, à l’écart du système éducatif, de la formation professionnelle et du marché du travail. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) de Ahmed Lahlimi a, lui aussi, attiré l’attention sur ce phénomène social en soulignant que le chiffre de 1,5 million de jeunes en situation de NEET traduit l’insuffisance des stratégies et politiques publiques consacrées à l’intégration socio-économique de cette catégorie. A bon entendeur !
Car malgré ces alertes, le gouvernement Akhannouch et son porte-parole Mustapha Baitas, sont restés dans le déni.