"Un agent d'autorité à la radio", un livre de Abderrahmane Achour


Si la radio m’était contée...


L’auteur décortique l’époque où Driss Basri était en charge de l’Information. Les partis politiques et la radio unique, une cohabitation problématique.

En rassemblant deux vocables antinomiques, l’auteur entend cadrer, dès le titre, la situation qui était la sienne. Face à Un agent d’autorité à la radio, on a envie de répondre, d’emblée, «que vient faire un agent d’autorité à la radio». Avec ce mélange des genres, le décorum d’une époque est déjà planté. 1986-2003, c’est la période où Abderrahmane Achour était à la tête de la radio. Nous n’étions pas encore sortis entièrement des années de plomb. D’où l’intérêt de cette antinomie.

Les médias étaient aux premières loges, particulièrement ceux qui incarnaient la voix officielle ou officieuse des pouvoirs publics. Surtout, lorsque Driss Basri, puissant ministre de l’Intérieur, était également chargé du département de l’Information. Un ménage improbable; d’aucuns diraient contre-nature. Dans les ultimes interviews accordées à des publications marocaines, depuis son exil volontaire à Paris, Driss Basri n’a cessé de répéter que la presse n’a jamais été aussi libre que sous son autorité.

Un paradoxe caractéristique d’une époque, auquel l’auteur consacre la première partie de son livre. L’époque Basri, mais pas seulement, est largement représentée, sans aucun esprit de revanche posthume. Les relations avec les partis politiques sont également décortiquées. Des anecdotes véridiques y sont parfois injectées dans un style léger, ce qui rend le récit parfaitement lisible. L’auteur n’est jamais très loin de son propos. Il ne pouvait en être autrement dès lors qu’il est dans le feu de l’action, à partir de sa responsabilité. Il reconnaît l’existence de listes noires et de directives sans appel pour éviter des prises de parole indésirables. Un paradoxe caractéristique La radio ne pouvait se contenter d’être un outil d’information sans plus. Elle représentait toutes les activités artistiques qui gravitaient autour de son micro récepteur-amplificateur. M. Achour en parle largement. Il évoque, avec nostalgie, son rapport à «la famille des artistes», à travers un éventail de commissions spécialisées entre musiques de tout genre et théâtre radiophonique. Ce dernier, qui tenait le haut du pavé en termes d’écoute, a malheureusement disparu. C’était l’époque où la radio, pas la télévision naissante, était le point de rassemblement auditif de la famille. Chacun était libre de produire ses propres images d’accompagnement du texte. M. Achour est de la génération qui a connu cette radio, bien avant qu’il n’y soit affecté. Avec ce livre de 423 pages, récemment édité par Dar Annachr Almaghribia, M. Achour fait oeuvre d’historien d’une époque où la cohabitation entre la politique et la presse était problématique. Cela a-t-il changé depuis? À chacun d’y aller de sa propre évaluation.

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