Accueil royal pour Emmanuel Macron



Le Président Macron a pu bénéficier, à Rabat, d’un autre regard et d’une lecture circonstanciée de dossiers lourds intéressant la paix et la sécurité dans la région.

Il avait promis que sa première visite officielle –s’il était élu- se ferait au Maroc. Promesse tenue: le nouveau président français, Emmanuel Macron, a bien été reçu, à Rabat, les 14-15 juin, par S.M. Mohammed VI. Un déplacement qui retient l’intérêt pour plusieurs raisons. Le moment, tout d’abord: cinq semaines après son accession à la magistrature suprême. En même temps, cet acte a fait l’objet d’un traitement “diplomatique”. S’il s’est rendu en Tunisie en novembre 2016 puis en février 2017 en Algérie alors qu’il était pratiquement engagé dans sa précampagne, il a dérogé à ce qu’avaient fait ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui, eux, avaient inauguré leurs mandats respectifs dans la région par une visite à Alger. Mais comme pour compenser cette nouvelle donnée, voilà son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui amortit les choses et ménage ainsi les susceptibilités en se rendant à Tunis, les 4-5 juin, puis à Alger, les 12-13.

Le format de la visite dans le Royaume nourrit un autre commentaire. Au départ, l’on avait parlé d’une visite “officielle”; puis n’a plus été invoquée qu’une visite “d’amitié et de travail”, comme l’a relevé, mardi 13 juin, un briefing du porte-parole du Quai d’Orsay. Dans ce cadre là, aucun officiel français, ni ministre ni autre, n’a accompagné M. Macron. Faut-il y voir un égal souci de se connaître en même temps que d’évaluer l’état des relations bilatérales ainsi que des questions d’ordre régional et international où Rabat et Paris ont des approches largement convergentes? Il semble bien que les points à l’ordre du jour de l’entretien de près d’une heure et demi entre les deux chefs d’État aient permis de souscrire à ce que l’on pourrait appeler un relevé de conclusions encourageantes pour l’avenir.

Dossiers politiques
Pour ce qui est du bilatéral, le climat est très satisfaisant. Les flux d’affaires et d’investissement sont au vert et même en progrès. En 2016, les exportations françaises vers le Maroc ont progressé de 20%; celles du Maroc aussi. Paris est le premier investisseur étranger avec près de 500 millions d’euros, soit 17% du flux total. Les grands secteurs de coopération et de partenariat embrassent de nombreux domaines.

La particularité, aujourd’hui, c’est que l’émergence industrielle du Maroc constitue un nouveau facteur d’attractivité et supplante même des activités plus traditionnelles comme la banque et l’immobilier. De grands programmes participant à cette évolution (automobile, aéronautique, électronique…). La dimension humaine n’est pas à ignorer en ce sens qu’elle donne un caractère particulier aux relations entre les deux pays: 60.000 expatriés dans le Royaume, 40.000 étudiants marocains en France, plus d’un million de MRE assurant plus d’un tiers des transferts de devise globaux, qui était de 62,2 milliards de dirhams en 2016.

Au-delà du bilatéral, bien des dossiers de politique régionale et internationale préoccupent les deux pays et n’ont pas manqué d’être abordés par les deux chefs d’État. Une vision commune s’est ainsi dégagée à propos de la crise en Libye et de celles qui secouent le Golfe. Le souci qui a été exprimé à cet égard est celui d’une “stabilisation” de ce pays –selon les propres termes de M. Macron au cours de sa conférence de presse, mercredi après-midi. Il a précisé que c’était une question de sécurité mais aussi de “route migratoire”. Que faire qui soit opératoire? Il faut rappeler que le président français a instamment demandé à l’Algérie, lors d’un appel téléphonique au président Bouteflika, le 8 juin, qu’il attendait de ce pays davantage d’implication dans l’espace sahélo-saharien –englobant donc la Libye.

Sécurité collective
Référence était faite en particulier au jeu trouble d’Alger, qui ne paraît pas mobilisé pour l’application des accords de 2015 et qui soutient au Mali le chef des Ansar Eddine, Ayad Ag Ghali. Plus précisément, pour ce qui est de la Libye, les “initiatives-directives” de l’Algérie ont été rejetées et dénoncées par les parties prenantes.

Autre dossier où de vives tensions diplomatiques ont éclaté depuis une semaine: la situation au Golfe après la rupture des relations de cinq pays (Arabie saoudite, Egypte, Koweït, Oman,…) avec l’émirat de Qatar. Paris et Rabat suivent au quotidien et au plus près l’évolution de la situation.

Conjonction d’intérêts
Le Maroc, en particulier, a des accords de partenariat stratégique avec les six États membres du Conseil de Coopération du Golfe. Il a même fait prévaloir, dans le droit fil du discours royal du 20 avril 2016 à Riyad, le principe d’une sécurité collective CCG/Maroc. D’où sa position de neutralité affirmée dans un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères puis l’envoi d’une aide alimentaire au Qatar et ce dans l’esprit de la solidarité entre musulmans en ce mois sacré du Ramadan. Parallèlement, S.M. Mohammed VI multiplie les initiatives et les contacts avec les Chefs d’État concernés, notamment en faisant dépêcher dans la région le ministère des Affaires étrangères, Nasser Bourita.

Au fond, c’est une conjonction d’intérêts communs bien compris qui donne toute sa particularité et son contenu aux rapports entre les deux pays. Le Président Macron, à Rabat, a pu bénéficier d’un autre regard et d’une lecture circonstanciée de dossiers lourds intéressant la paix et la sécurité dans la région et, partant, la diplomatie française. Il trouve, du côté du Royaume, une totale disposition à coopérer, à coopérer plus et mieux, mais aussi à conjuguer des efforts vers le continent africain, où le Maroc s’est beaucoup investi et où il jouit d’une expertise et d’un leadership appelé à engranger une capitalisation économique, de partenariat et d’influence.

A noter, au passage, que le président Macron a livré, en réponse à une question, l’analyse que fait le Souverain des évènements du Rif: légitimité des manifestations reconnues par la Constitution, volonté d’apaisement, réponse “aux prémices de ces mouvements” et une volonté de s’atteler “aux causes profondes” de la contestation. Avec ce commentaire final: “Je n’ai pas eu lieu de craindre une volonté de répression"...

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