Abou portant

Amale Samie Amale Samie

On était peinards à  bronzer au soleil de  mai quand on s’est reçu  une pluie d’invectives,  un tombereau de menaces et une  excommunication expéditive d’un  certain Abdelhamid Abounaïm. Qui  c’est, ce mec? J’en sais rien et je me  demande comment nos destins se  sont croisés, mais s’il vocifère en  me regardant du fond des sourcils,  je suis obligé de faire un examen de  conscience juste pour voir où j’ai pu  merder. Qu’est-ce qu’il braille avec  ses yeux fous?

Il exige notre exécution pour  intelligence avec Israël. Noooooon!  Siiiiiiiiii. Pourquoi, il est intelligent  lui, d’abord? Il n’en a pas besoin,  mais il est d’une sagacité redoutable:  il nous a démasqués.
Il range la Commanderie des  croyants, le premier secrétaire de  l’USFP, Driss Lachguar, le chercheur  amazigh Ahmed Assid et la chaîne  de télévision 2M sous le charmant  vocable de «sionistes». En fait, nous  avons tous partie liée aux bouchers  israéliens. Comprenez-vous  maintenant notre situation? Il y a  comme des sifflements de sabre  dans l’atmosphère.

On a immédiatement cessé de  bronzer et le soleil a disparu dans  les nuages, certains ont même couru  chez leur maman. Ceux du Conseil  supérieur des oulémas, les agents du  ministère des Habous et des Affaires  islamiques, des journaux et André  Azoulay, conseiller du roi. Même le  Festival Mawazine en a pris pour  son grade: sa programmation va à  l’encontre des préceptes de l’islam,  ce serait une guerre déclarée contre  Dieu, son prophète et la religion  musulmane. Faudrait être inconscient  pour se lancer dans une guerre  antimusulmane. Oui… Mais alors combien  il reste de Marocains qui vivent  selon les préceptes de l’islam? Aucun.  Vous êtes tous des païens, et selon  cet énergumène au cerveau défoncé  défoncé, nous nous sommes lancés  comme des sournois dans une guerre  déclarée contre Dieu, son prophète et  la religion musulmane. André Azoulay  en frémit encore, il n’avait même pas  vu dans quelle guerre il s’était lancé.

Et maintenant il voudrait s’excuser,  mais Abounaïm ne lui a pas dit auprès  de qui, Driss Lachgar un politicien  blanchi sous le harnais, s’est réfugié  chez une tante à Meknès ou à Taroudant,  la direction de 2M a préféré se  mettre à l’abri chez la confrérie Boutchichia  à Oujda et le Festival Mawazine  s’est fondu dans une cohorte de  candidats clandestins.

Putain, ça rime à quoi de se faire  circonciser si c’est pour finir au  milieu d’une meute d’impies prête  pour l’échafaud? Mais on ne pourra  pas prétendre que cheikh Abdelhamid  Abounaïm n’avait pas prévenu  les mécréants. Il avait déjà apostasié  Driss Lachguar, qui n’a pas voulu chercher son salut dans la prière,  la contrition, les femmes ittihadies  qui ont plongé à pieds joints  dans le sionisme, et les intellectuels  marocains dérangés par les  égosillements du Cheikh «zéro  multiplié par 1000» jusque dans  leur sépulture, comme Mohamed  Abed El Jabri. Il avait également  attaqué les figures emblématiques  de l’USFP et Mehdi Ben Barka pris  à partie. Aux dernières nouvelles il  a quitté la planète.

Le tribunal de première instance  de Casablanca a condamné  Abdelhamid Abounaïm en février  dernier, à un mois de prison avec  sursis, poursuivi pour outrage à  corps constitué et diffamation.  Oui mais là, il court les meetings  de fabrication de fatwas. Ce genre  d’impie est de ceux qui passent  à la lutte armée et aux attentats  kamikazes. Une décennie après  le lancement du vaste chantier  de la réforme du champ religieux,  la présence, malheureusement,  de prêcheurs qui ne connaissent  d’autre langage que celui de la  haine et de l’excommunication,  ni d’autre religion que celle de l’extrémisme  le plus abject perdure.

Ce chantier de réforme du champ  religieux, rappelle-t-on, a été initié  en 2004 dans l’objectif de préserver  notre référentiel religieux basé  sur la Sounna et le rite malékite et  prônant un effort d’interprétation  en conformité avec les finalités  magnanimes de la Charia, la souplesse,  la modération et le juste  milieu et loin de tout rigorisme,  extrémisme ou excès.

Amale Samie

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