Abdelouahab Rafiqui: "30 à 40% des terroristes marocains en Syrie ou en Irak sont issus du Nord"

Questions à Mohamed Abdelouahab Rafiqui, chercheur en études islamiques

Ces dernières années, plusieurs cellules terroristes ont été démantelées dans la région du Nord. Comment expliquez-vous la prolifération de la pensée extrémiste dans cette région du Maroc?
Effectivement, la région du Nord abrite plusieurs foyers terroristes et la pensée fanatique y est assez répandue par rapport au reste du pays. Il faut savoir que près de 30 à 40% des terroristes marocains qui se sont rendus en Syrie ou en Irak sont issus de cette région. Cette tendance est due à plusieurs facteurs historiques. La région a fait l’objet de plusieurs événements de confrontations et d’insurrections, de par le passé, avec l’autorité centrale à Rabat.

Des événements où la religion a été souvent exploitée. En plus de cela, la région est caractérisée par des problématiques de vulnérabilité économique, la prédominance de la culture du cannabis, l’émergence de réseaux de trafic de drogue, l’addiction aux différentes drogues, le chômage, l’immigration clandestine… Tout cela a créé un terreau fertile à l’extrémisme et au terrorisme.

Des pancartes ont été affichées dans les rues de Tanger s’insurgeant contre l’aspect vestimentaire des femmes, taxées de source de débauche et de dépravation par les initiateurs de ce mouvement extrémiste. Qu’en pensez-vous?
Ce genre d’actions intolérables nous rappelle que malheureusement la pensée fanatique est toujours présente parmi nous et qu’elle s’affiche en public de manière décomplexée. C’est dangereux. Il s’agit d’un sujet d’ordre sécuritaire.

L’Etat doit sévir durement contre tous ceux qui portent ce genre de messages et partagent ces pancartes. Personne n’a le droit d’encadrer les choix personnels des gens, que ce soit pour leurs habits ou autre chose. Personne n’a ce droit de tutelle. Seule la loi du pays est compétente pour réguler et gérer la vie en société.

Que pensez-vous de l’approche sécuritaire de l’Etat?
L’Etat, grâce à tous ses services et institutions, a mené d’énormes efforts pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, malgré toutes les réalisations et exploits, on remarque, comme pour le cas des pancartes de Tanger, que l’extrémisme a la peau dure. Depuis longtemps, la stratégie de l’Etat a été concentrée sur le volet sécuritaire et elle a réussi sur ce point.

Il faut, à mon avis, intégrer à cette stratégie d’autres volets relatifs à la sensibilisation, au changement des mentalités et à la lutte contre la pensée extrémiste. Des actions sont actuellement menées dans ce sens, mais il faut les renforcer. Il s’agit d’un chantier colossal à long terme.

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