Abdellatif Jouahri: "Il ne faut pas augmenter la dette publique pour la consommation quotidienne"

Le wali de Bank Al Maghrib insiste pour que l’endettement public soit davantage destiné à l’investissement pour créer des richesses à même de permettre de rembourser les dettes sans difficultés.

L’air décontracté, confiant et perspicace comme de coutume, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib, s’est prêté allégrement au jeu des questions des journalistes lors d’une rencontre en ligne, mardi 15 décembre 2020, à l’issue du dernier conseil au titre de l’année 2020. D’emblée, et après avoir passé en revue les décisions prises par cette institution relatives au taux directeur, maintenu inchangé à 1,5% et à ses prévisions économiques (une contraction du taux de croissance 2020 et un rebond à 4,7% en 2021), Maroc Hebdo a interpellé M. Jouahri sur la soutenabilité de la dette publique suite aux récentes sorties à l’international et surtout le dernier emprunt obligataire de 3 milliards de dollars.

La réponse a été catégorique: La dette publique marocaine a augmenté de 10 points passant de 65% du PIB à un peu plus de 75%. Pour lui, dans toutes les lectures des organisations internationales, comme celle du FMI, qui a exposé les chiffres de l’endettement des pays avancés et des pays émergents ou en voie de développement, on apprend que certains pays ont atteint jusqu’à 100% en moyenne de la dette publique.

Aller droit au but
«Nous n’en sommes pas là heureusement mais les conséquences de la crise vont se faire ressentir davantage en 2021 et 2022 et même 2023 au moins pour certains secteurs. Il y a cette situation exceptionnelle. Le FMI dit qu’il ne faut pas brimer la reprise en serrant les fonds budgétaires. Le problème qu’il y a, c’est que cette dette publique doit être destinée à l’investissement public et à favoriser l’investissement privé ou le jumelage privé-public».

En insistant sur le fait que le Maroc emprunte pour la consommation et le maintien du traintrain de vie normal des administrations et établissements publics, le wali de Bank Al Maghrib a fini par aller droit au but: «Je vous le concède, il ne faut pas augmenter l’endettement public pour la consommation quotidienne. Au mieux, il faut que le plus possible aille à l’investissement et que cet investissement soit bien ciblé. Ce qu’il faudrait avant, c’est que la confiance revienne. Il faut que les gens puissent être rassurés d’abord sur un plan sanitaire pour reprendre leurs activités et le goût du risque. Nous sommes actuellement à une situation d’endettement acceptable.

La gestion active de la dette peut permettre à l’Etat d’amoindrir la charge de la dette en remplaçant une dette par une autre dette. Nous avons demandé au trésor d’y aller dans ce sens et aux banques et aux organismes de prévoyance d’aider à cette gestion active de la dette pour pouvoir soulager la charge d’intérêt au niveau de la dette», a précisé M. Jouahri.

Cela ne l’a pas empêché de souligner que l’endettement doit rester dans certaines limites vu la capacité de remboursement que l’Etat peut avoir et surtout qu’il «ne faut pas endosser aux générations futures la responsabilité de payer les dettes et hypothéquer ainsi leur avenir.

Si on la destine davantage à l’investissement, cela correspon$ d à son objectif. Ainsi, si on s’endette, c’est pour créer la richesse nécessaire permettant d’avoir les revenus nécessaires pour pouvoir rembourser sans difficultés la dette qu’on a contractée. Je pense que le ministère des Finances et les autres ministres sont conscients de ce problème», conclut-il.

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