Abdelaziz Aftati
- Maroc Hebdo: Après la nomination de Saâd Eddine El Othmani à la place de Abdelilah Benkirane pour former un gouvernement, certains membres du PJD ont parlé de “trahison”. Partagez- vous cette appréciation?
- Abdelaziz Aftati: Le terme trahison est inapproprié, à mon avis. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un “glissement” de la part de la direction du parti. D’abord, la nomination de M. El Othmani s’est faite dans un contexte marqué par un blocage face auquel M. Benkirane ne pouvait rien faire. Ni lui ni d’ailleurs le parti ne pouvaient continuer dans cette voie. Ce qui reste incompréhensible, c’est que la direction du parti, représentée par le secrétariat général, avait dit non à la participation de l’USFP au gouvernement. Et, cinq mois durant, Benkirane a défendu cette position du parti. Laquelle position sera abandonnée par cette même direction une fois M. El Othmani nommé. C’est un “glissement” qui n’avait aucune raison d’être.
- Maroc Hebdo: On peut reprocher à M. Benkirane d’avoir manqué de tact. Il aurait pu accepter l’USFP avec lequel il avait formé le voeu de gouverner…
- Abdelaziz Aftati: Lors des élections de 2002, l’USFP, dirigée par Abderrahman Youssoufi, alors Premier ministre, est arrivé en tête. Pourquoi M. Youssoufi n’a pas été reconduit? Le pouvoir, ou ce que l’on appelle “l’Etat profond”, craint les hommes politiques qui ont du charisme et qui bénéficient d’une légitimité électorale, pour ne pas dire populaire. On a tout fait pour ne pas reconduire M. Youssoufi. Le même scénario s’est reproduit de manière grave avec M. Benkirane. Ce n’est donc pas M. Benkirane qui est visé, mais plutôt le parti et sa légitimité électorale.
- Maroc Hebdo: Ne craignez-vous pas des répercussions négatives sur le parti?
- Abdelaziz Aftati: D’abord, une chose doit être tirée au clair. L’intérêt de la patrie est au-dessus de tout, y compris des partis. Au PJD, c’est notre devise. Les idées plaçant la patrie au-dessus de toute autre considération seront toujours défendues par les membres du parti. Le problème, à mon sens, dépasse de loin le PJD. C’est un bloc de partis politiques crédibles avec lesquels nous ne sommes pas toujours d’accord que certains milieux veulent affaiblir, voire anéantir même. Ces milieux-là ne veulent pas d’institutions démocratiques fortes. Avec leurs agissements, ils vont ramener le pays soixante ans en arrière. C’est cela le véritable danger.
- Maroc Hebdo: Pour vous, le PJD en sortira indemne?
- Abdelaziz Aftati: Je l’espère parce que c’est un parti ayant un projet de réforme qui peut servir le pays et non des objectifs personnels des uns et des autres. Mais il faut que toutes les composantes du champ politique acceptent le verdict des urnes et reconnaissent la légitimité des institutions élues. Autrement, c’est vers un Etat en faillite que nous nous dirigeons. Et, dans ce cas, le PJD, comme tous les autres partis politiques, sera perdant. M. Benkirane, avec lequel j’avais des divergences, a dit qu’il va garder des secrets pour lui au sujet des cinq mois de tractations, voire des cinq ans qu’il a passés en tant que chef de gouvernement. Du moment que les acteurs politiques s’abstiennent d’en parler, c’est qu’il y a un problème qui fausse la donne à la base
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Abdelaziz Aftati : Ce n'est pas M. Benkirane qui est visé, mais la légitimité du parti
- par Noureddine Jouhari
- 04-04-2017
- Politique