Chaque année, la ville d’Essaouira se métamorphose en un carrefour musical où résonnent les rythmes enivrants des qraqebs et de guembris qui se frottent à des sonorités venues d’ailleurs. Une explosion sensorielle sur trois jours qui attirent une horde de festivaliers venus de partout.
À l’entrée de la ville d’Essaouira, une effervescence étourdissante nous enveloppe, et à mesure qu’on s’approche de l’ancienne médina, les sons provenant du festival se font plus présents. Une excitation palpable règne dans l’air: les ruelles sont saturées et les rythmes de guembri et de qraqeb se mêlent aux conversations et aux rires des festivaliers qui se retrouvent, s’embrassent et se saluent, puis se lancent dans des danses improvisées.
Jeudi dernier, premier jour du festival, une foule bigarrée et énergique qui reflète l’esprit du festival se pressait pour assister à la traditionnelle parade d’ouverture qui donne le coup d’envoi au festival. De Bab Doukkala jusqu’aux portes de la scène Moulay El Hassan, 30 groupes d’artistes gnaouis ont fait vibrer la ville, avec leurs instruments et voix extatiques, sous les acclamations des festivaliers, des habitants et visiteurs de la ville ainsi que de nombreux officiels qui se sont mêlés à la foule.
Acclamations des festivaliers
La directrice du Festival, Neila Tazi était notamment en compagnie de Mehdi Bensaïd, ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, Chakib Benmoussa, ministre de l’Éducation nationale, André Azoulay conseiller royal, Naam Miyara, président de la Chambre des conseillers, ou encore Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS). Après la parade, place à une ouverture en fusion comme le veut la tradition du festival. Le public s’est empressé vers la scène de Moulay Hassan pour écouter la fusion entre les Maâlems Mohamed et Saïd Kouyou, accompagnés des Tambours du Burundi Amagaba, Jaleel Shaw et Sanaa Marahati.
La soirée s’est poursuivie avec la participation de la guitariste, chanteuse et compositrice belge Selah Sue, qui dans une tenue colorée, a fait vibrer la scène avec ses sons Reggae fusionnés avec de la musique RnB Soul. Autre moment céleste de la soirée sur la scène Moulay Hassan, la fusion entre Maâlem Khalid Sand et El Comité, considéré comme l’un des groupes de musiciens cubains les plus brillants et reconnus de leur génération. Essaouira brille par ces festivaliers venus de partout et qui se fondent facilement avec le public naturel du festival biberonné aux sonorités gnaouies.
Dans l’espace qui donne accès gratuitement aux concerts, certains choisissent de s’agglutiner à d’autres festivaliers, plutôt que de se mettre sur les bords et d’autres prennent de la hauteur sur l’une des terrasses qui entourent la place. Vue d’en haut, Essaouira semble envahie de partout. Au lever de soleil, la foule envahissait toujours les artères de la cité. Vendredi, loin des hordes de festivaliers, nous nous sommes réfugiés à Borj Bab Marrakech loin du brouhaha pour découvrir l’exposition “L’éveil de la mémoire” qui met en avant les nouveaux portraits d’éminentes personnalités marocaines et étrangères.
Forme particulière d’osmose
Les portraits exposés sont le travail des élèves de la section Arts appliqués du Lycée Mohamed V d’Essaouira sous la direction de Mustapha Rafik, artiste peintre et figure incontournable de la vie culturelle d’Essaouira. Depuis 2018, l’atelier de création a donné naissance à des portraits notamment de Fatima Mernissi, Mohamed Choukri, Tayeb Saddiki, Aicha Chenna. La liste s’agrandit d’année en année. Dans leur processus de création, les apprentis artistes s’inspirent du courant artistique du «Pop Art» porté par Andy Warhol. Cette 24ème édition du Festival Gnaoua a célébré la réalisation de nouveaux portraits notamment celui de Hindi Zahra, Mohamed Rouicha, Ahmed Choukri, Naima Samih, Gabriel Garcia Marquez, ou encore Fairuz qui ont enchanté le public mélomane de Essaouira.
Toujours à Bab Marrakech, la performance de Fehd Benchemsi & The Lallas a laissé éclore une forme particulière d’osmose dans un cadre intimiste et une bulle hermétique à la fougue de la cité des Alizés. Ces moments de douce exaltation ont été prolongés à Dar Loubane et la Zaouia Issaoua qui offraient une expérience inédite en petit comité de détachement grâce à la magie de la musique gnaouie dans le cadre de « lilas intimistes ». Ensuite, le délassement artistique a laissé place au très convoité concert de Hoba Hoba Spirit qui a électrisé la foule de la place Moulay Hassan. Une des plus longues performances du groupe qui a duré près de deux heures devant un public qui ne tarissait pas d’acclamations et de cris d’enthousiasme.
Les fondateurs de la Hayha musique ont incontestablement mis le feu sur scène et illuminé le ciel d’Essaouira de mille et une étincelles. Un des moments phares de la soirée : le public chantant en euphorie «Bienvenue à Essaouira», reprenant en choeur les paroles de leur tube « Bienvenue à Casa ». Un instant inoubliable qui a offert aux spectateurs un ascenseur émotionnel des plus puissants sur les rythmes de la Hayha musique. Le dernier jour du festival a été marqué par deux moments forts : Le Trio Joubran et Gnawa Diffusion.
Après une première prestation en 2017, la fratrie palestinienne « Le Trio Joubran », a fait chanter à l’unisson, sur la scène du Borj Bab Marrakech, un public conquis. Clôture en apothéose, sur la scène de la plage avec un spectacle bouillant du célèbre groupe Gnawa Diffusion, porté par son leader charismatique Amazigh Kateb, qui a retrouvé son public d’Essaouira, après plusieurs années d’absence. Un concert explosif, devant un public qui n’a pas caché son enthousiasme et qui était prêt à payer cher dans les terrasses qui entourent la scène de la plage pour pouvoir s’enivrer en live des sons gnaouis venus d’Algérie.