2019, UNE MAUVAISE ANNÉE SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE

Une année de souffrances

La machine économique marocaine tourne au ralenti depuis quelques années déjà. 2019 n’a pas été une exception. Une croissance faible, un taux de chômage en hausse et un pouvoir d’achat de plus en plus faible. Le tout dans un climat social tendu.

Un bilan économique en 2019? La réponse n’est pas aussi simple que la question. Car comment juger une économie qui dépend toujours des aléas climatiques et non de la performance des plans sectoriels ou des stratégies des départements ministériels en charge de secteurs économiques clés. A quoi bon sert le Plan d’Accélération industrielle, pour ne citer que cet exemple, quand le principal baromètre demeure toujours l’agriculture primaire qui, elle, dépend étroitement des aléas climatiques (notamment dans les zones bour) et quand, surtout, le PIB industriel demeure encore faible en dépit des annonces en fanfare à longueur d’année au sujet de la hausse de la production et des exportations de tel ou tel opérateur aéronautique ou automobile? Comment juger la performance de l’économie nationale quand les Marocains constatent au quotidien que leur pouvoir d’achat s’érode et que les prix à la consommation flambent en l’absence de tout contrôle?

Mais pour rester dans l’optimisme béat que prône le gouvernement Saâd Eddine El Othmani, et présenter l’économie en chiffres macro-économiques, que l’écrasante majorité des Marocains ne comprennent pas, ce qu’il faut savoir, c’est que l’économie nationale finira l’année 2019 avec un taux de croissance de 2,7%, une inflation de 2% et un déficit budgétaire qui ne dépasse pas 3,4%. Décortiquons ces taux, un par un. Le taux de croissance de 2,7% s’aligne sur une série de taux baissiers et faibles depuis sept ans. Quant au taux d’inflation, c’est le plus inexact qui soit, car il ne reflète pas les peines qu’endurent les Marocains avec la hausse continue des prix à la consommation. Sur ce dernier point, une explication supplémentaire s’impose: L’inflation des prix, confirmée par le Haut Commissariat au plan (HCP), a fini par éroder leur pouvoir d’achat. La hausse des prix des légumes, viandes, fruits et carburants ne s’infléchit plus.

Face à cette inflation des prix qui n’est pas corrélée par une hausse des salaires, la banque centrale adopte l’indicateur d’inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatils et les produits à tarifs publics, et qui, en principe, devrait être accompagné par une politique de subventions des prix à la consommation. Cette inflation sousjacente cache mal le désarroi des ménages et la hausse des prix à la consommation. La baisse de la consommation des ménages en témoigne. Elle est corroborée par la baisse de près de 12% des recettes de la TVA. Et enfin, le déficit budgétaire dit «maîtrisé» n’est pas le fruit d’une politique d’austérité dans les dépenses farfelues et les événements organisés ou parrainés par les administrations et les ministères, mais plutôt d’une politique d’étouffement des dépenses sociales et de la subvention des produits de première nécessité, de l’augmentation des impôts existants et la création d’autres afin d’élargir l’assiette fiscale. Pas question de demander quoi que ce soit aux riches. Ils ont le moral au plus bas.

L’avenir hypothéqué
Pour aider à mieux ausculter l’état de santé économique du pays, voici d’autres indicateurs macro-économiques révélateurs. La dette publique accapare 91% des richesses créées annuellement. Driss Jettou, président de la Cour des comptes, a révélé que cette dette atteint 91,2% du PIB tandis que le gouvernement veut la cantonner dans 81%. Le volume global de l’endettement du secteur public est passé de 918,2 milliards de dirhams en 2016 à 970 milliards de dirhams à fin 2017, soit une augmentation de 51,8 milliards de dirhams en une seule année, passant, ainsi, de 90,6% à 91,2% du PIB. Ceci avant la sortie à l’international d’il y a quelques semaines, «couronnée » par un emprunt de 1 milliard d’euros, hypothéquant ainsi l’avenir des générations futures des Marocains. Entre temps, le gouvernement, qui continue de s’endetter pour financer le fonctionnement de l’administration et des ministères, sort ses dernières cartes de privatisation. Mais ce n’est plus suffisant. Le gouvernement a cédé, dans une première internationale (pour un pays qui aspire à l’émergence), 5 centres hospitaliers universitaires à la caisse de retraite des fonctionnaires (CMR) pour payer un loyer mensuel à cette même caisse, sans oublier la mesure d’insaisissabilité des fonds et biens de l’Etat introduite dans la loi de finances 2020.

Une guerre sans répit
Par ailleurs, les IDE (investissements directs étrangers) baissent. Ces derniers ont chuté durant les six premiers mois de 2019 de 47%, une tendance enclenchée depuis deux ans, signe d’un manque de confiance de la part des investisseurs étrangers. Quant au degré de la confiance des investisseurs locaux, n'en parlons pas. Leur manque de visibilité va crescendo. Même la confiance des institutions internationales dans l’économie marocaine trinque. C’est que le modèle économique, fondé sur la consommation des ménages et des entreprises, s’essouffle. Depuis trois ans au moins, les crédits aux entreprises et les crédits de fonctionnement reculent. Outre les entreprises, la consommation des ménages baisse. Et même en ces temps de crise, les riches ne veulent pas se montrer solidaires. Pire, les fortunés du Royaume livrent une guerre sans répit à la Direction générale des impôts pour faire abolir les fameux Avis à tiers détenteur (ATD). Un constat d’autant plus parlant qu’en 2018, moins de 1% des entreprises ont assuré 80% de la recette IS (Impôt sur les sociétés). Et les perspectives dans tout cela? En pleine crise économique, et en pleine crise d’idées et de politique économique viable, le gouvernement El Othmani peine à trouver des ressources supplémentaires pour équilibrer le solde des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année 2020.

Le cabinet El Othmani doit satisfaire les demandes d’augmentation du budget de certains départements ou superministères (comme celui de la Défense) et en même temps trouver des recettes additionnelles qui colmateront le trou engendré par ces «dépenses de trop». Mais le dilemme ne dure pas longtemps. Le gouvernement préfère mettre la main dans la poche de la plus grande frange des Marocains à revenus limités plutôt que dans celle des riches pour équilibrer les fameux indicateurs macro-économiques et ainsi plaire aux puissantes institutions financières telles le FMI, la Banque mondiale, l’AFD...

Articles similaires