2018, L'année des rendez-vous manqués

Mohamed Selhami

Pour porter une vision globale sur le bilan de 2018, on a pris l’habitude de regarder vers le ciel. Sera-t-il clément ou parcimonieux?

L’année qui vient de nous quitter aura laissé un goût d’inachevé. Des problèmes d’importance évidente, à plusieurs niveaux de cause à effet, ont été exhumés, portés à la connaissance des citoyens, sans être toujours suivis de solutions pertinentes, de procédures de rattrapage, voire même de sanctions administratives. Dans plusieurs régions du pays, des chantiers vitaux parce que pourvoyeurs d’emplois avaient accusé un retard très préjudiciable aux conséquences économiques et sociales désastreuses.

L’année 2018 a vécu l’épilogue de cette histoire lorsque les grues et les pelleteuses ont repris leur ballet qui n’aurait jamais cessé. Par contre, la même année a connu le prologue de ce Hirak avec les péripéties judiciaires d’un procès fleuve de ses leaders. Parmi les dégâts collatéraux de ce mouvement, il y a eu les limogeages du ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaid, le 1er août, et de la secrétaire d’Etat chargée de l’Eau, Charafat Afaïlal, le 20 du même mois.

Selon toute vraisemblance, au menu politique de la nouvelle année, il y aura beaucoup de déjà-vu de l’année précédente. S’il y a une vérité première, quasi unanimement entendue, c’est notre rapport au temps, rendu excessivement extensible. Un vrai trait de culture bien ancré et bien partagé. Il faut s’attendre à voir fonctionner, à leur rythme, les grues, les pelleteuses, les chefs de chantier et tout le personnel engagé. Avec un recul combien bénéfique pour une réflexion à froid; il y a lieu d’avouer, sans coup férir, que l’année 2018 n’avait rien d’autre à apporter qu’une série de rendez-vous manqués. L’enjeu étant une classe politique imaginative, dynamique et véritablement au-dessus de tout soupçon; une économie réellement entreprenante et un corps social où le mal-vivre n’est pas une fatalité.

Un programme de cette générosité insondable, tous les partis politiques voudraient qu’il soit le leur, sans aucune prise sur une opinion publique définitivement incrédule. 2018 a été le théâtre de ce bouillonnement social potentiellement explosif, avec des mobilisations salariales et des manifestations massives. Le tout sans débordement et sans affrontement avec les forces de l’ordre. Un miracle lorsqu’on voit à la télévision française des images d’une rare violence où, quoi qu’on dise depuis un mois, la revendication sociale reste la cause première de ce mouvement.

L’échec du dialogue social est à mettre au diapason d’une année sur le départ. Jamais une rencontre de ce type, comme celle de Saâd Eddine El Othmani avec les centrales syndicales représentatives, n’a été aussi terne et ennuyeuse. Un peu comme si on disait aux salariés «soyez heureux d’avoir un boulot, quelles que soient les conditions de vie et de travail, alors que les autres n’en ont pas.»

Il nous a été donné par un constat largement documenté que 29,3% des jeunes de 15 à 24 ans sont sans emploi; ne vont pas à l’école et ne suivent aucune formation. Comme si la situation n’était pas suffisamment grave, les diplômés de la formation professionnelle ont moins de chances de trouver un emploi que les sans-diplôme. Une absurdité de plus dans un pays qui n’en manque pas. Le tableau devient un peu plus noir lorsqu’on inclut la fermeture d’entreprises par milliers, 80.200 selon certaines sources, carrément 10 mille selon d’autres.

Pendant que le navire-travail prend l’eau, la polémique habituelle sur le taux de croissance reprend de plus belle. 2,8% prévus pour 2018 pour les uns et 3 à 4% pour les autres. Pour le commun des Marocains, ces chiffres sont totalement abstraits puisque sans effet visible sur leur quotidien. Pour porter une vision globale sur le bilan de 2018, on a pris l’habitude de regarder vers le ciel. Sera-t-il clément ou parcimonieux? Pas besoin d’être ingénieur agronome pour estimer la production de l’année par type de culture en lisant sur le ciel.

Le paysage médiatique se structure. Il vient d’élire son conseil national. Il n’avait pas besoin d’une affaire Bouachrine et de ses péripéties judiciaires, par-delà les prises de position et les réactions passionnées.

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