100 ans au service de l’édification du Maroc moderne

CENTENAIRE DU GROUPE OCP

Retracer en substance, autant que possible, les 100 ans du groupe OCP, n’est pas une vaine tâche, encore moins une tâche évidente. Le centenaire de cet Office pas comme les autres traîne une charge symbolique certes mais surtout une charge historique intimement liée aux évolutions du Maroc moderne, pré et post indépendance.

Tout le monde se rappelle le traité du protectorat signé en 1912. A cette époque, déjà, le Maroc suscitait la convoitise de plusieurs puissances européennes. Non seulement pour sa position géographique attractive, mais aussi et surtout pour ses richesses naturelles et minières dont on supposait alors l’importance.

Le général Lyautey, résident général au Maroc, avait conscience de l’enjeu et a mis en place un stratagème pour empêcher que les phosphates marocains ne tombent dans l’escarcelle de puissances ou entreprises étrangères : il s’agit de la nationalisation des phosphates marocains à travers le Dahir du 27 janvier 1920 qui dispose que les opérations de recherche et d’exploitation du phosphate sur le territoire du protectorat sont réservées à « l’État Chérifien et à son seul compte ».

Un deuxième dahir vient compléter le dispositif : celui du 7 août 1920 qui porte création de l’Office chérifien des phosphates, désormais dépositaire, au nom de l’Etat marocain, du monopole sur la recherche et l’exploitation des phosphates. Dès le début, l’OCP est ainsi conçu comme une entreprise qui n’a qu’un actionnaire unique, l’Etat, mais qui, comme n’importe quelle entreprise privée et à la différence d’une régie ou d’un office traditionnel poursuit un objectif assumé de rentabilité. La décennie 1920-1929 a été marquée par la création de la ville de Khouribga. Le premier directeur général et administrateur de l’OCP, Alfred Beaugé, a été confronté à un problème de main-d’oeuvre et a dû construire des logements pour attirer des travailleurs de toutes les régions. Ainsi, les premiers bâtiments ont été construits à Khouribga, ce qui confirme le rôle important que l’OCP a joué dans la création et le développement de cette ville.

Leadership mondial
C’est en juin 1921, que la première cargaison de phosphates, soit un peu plus de 8.000 tonnes, est transportée de la mine de Boujniba vers le port de Casablanca pour être envoyée vers la France quelques semaines plus tard. En 1925, pour la première fois, une cargaison de phosphates marocains est exportée vers un pays non européen, l’Afrique du Sud, suivi des États-Unis d’Amérique, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Japon, et de l’Union soviétique (à partir de 1929).

La donne change durant la décennie suivante. Si en 1930, l’OCP arrivait à élever ses exportations à environ 1,8 million de tonnes dépassant ses concurrents en Afrique du Nord (Tunisie et Algérie), à partir de 1931, les effets de la crise mondiale font chuter les exportations de l’OCP de moitié. Le premier mouvement social a lieu en 1936. 170 travailleurs de la centrale de Khouribga revendiquent, entre autres, la reconnaissance du droit de syndicat et la mise en place d’un système de base pour les travailleurs.

Si l’activité phosphatière est perturbée par les restrictions commerciales liées à la Seconde Guerre mondiale, elle ne tarde pas à reprendre après le débarquement des Américains à Casablanca en novembre 1942. La décennie 1940 se caractérise ainsi par une intense reprise des exportations dans un contexte de « déclin moral » des puissances coloniales et de regain des revendications indépendantistes. Au Maroc, les ouvriers de l’OCP sont en première ligne de revendications sociales appuyées par le mouvement national. Le lourd tribut payé par la population d’Oued Zem lors des tristes massacres d’août 1955 est là pour illustrer le rôle moteur de certains ouvriers OCP dans le combat pour l’indépendance.

L’indépendance obtenue en 1956 est l’occasion pour l’Office de recouvrer sa souveraineté commerciale. Par le passé, ses prix étaient fixés par le Comptoir des phosphates de l’Afrique du nord (sous autorité de la France coloniale qui décidait des prix des phosphates à l’international du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie). Une politique de prix suivie d’une stratégie volontariste de valorisation de la roche phosphatée.

Tout en se donnant les moyens d’une politique commerciale autonome, l’OCP se fixe pour objectif de remonter la chaîne de valeur des phosphates et de ne plus se cantonner à la production de roche phosphatée. C’est le 5 juin 1965 que le premier complexe chimique de l’OCP de Safi est inauguré par feu Hassan II, baptisé « Maroc Chimie ». Il produisait alors de l’acide phosphorique à partir des phosphates extraits de la mine de Youssoufia. Une nouvelle ère dans l’histoire industrielle marocaine s’annonce. Le fly-up de 1973-74 permet à l’OCP de voir encore plus grand et de lancer les travaux de Jorf Lasfar dont les premières usines sont opérationnelles en 1986. Il s’agit, à aujourd’hui, du plus important complexe industriel dédié à la valorisation du phosphate au monde.

Les années 1990, marquées par l’âge d’or de la mondialisation sont aussi pour l’OCP celles des joint-ventures : des partenariats stratégiques avec des acteurs internationaux de renom. L’expansion de l’OCP se matérialise également par l’ouverture d’un premier bureau de représentation en Inde. Depuis, le groupe a poursuivi son développement à l’international en ouvrant d’autres bureaux et en créant plusieurs partenariats : OCP Brésil en 2009, «OCP Argentina » en 2011 et «BSFT», la joint-venture avec le groupe turc «Toros Tarim» en 2012 , les bureaux d’Éthiopie et de Singapour en 2015 et en 2016 les bureaux aux États-Unis…

En 2006, Mostafa Terrab a été nommé par le Roi Mohammed VI à la tête du groupe «OCP». Il a réussi à insuffler un dynamisme inédit à la vocation scientifique du groupe visant à encourager l’éducation et l’innovation et qui s’est couronnée par la création de l’Université Polytechnique Mohammed VI, les écoles de programmation 1337 et Youcode et le Forum Act Community, entre autres réalisations.

Deux ans après sa nomination, M. Terrab lance un ambitieux programme de transformation industrielle qui vise à doubler la capacité minière et à tripler la capacité deproduction d’engrais phosphatés à l’horizon 2025. Sur le plan juridique, le groupe s’est transformé au cours de la même année en une société anonyme. Un tournant historique.

En 2014, le Maroc réalise une prouesse technologique avec le Slurry Pipeline, plus long pipeline pour le transport de pulpe de phosphate sous forme de pâte (60% de phosphates bruts et 40% d’eau) au monde reliant le site minier de Khouribga à la plateforme industrielle de Jorf Lasfar, plus grande plateforme de valorisation du phosphate au monde.

Grâce à son leadership mondial, le groupe OCP s’adjuge un rôle important dans la sécurité alimentaire mondiale à travers notamment ses exportations d’engrais, sa carte de fertilité des sols...

Quoiqu’il soit difficile voire arbitraire de citer des dates et des événements sans d’autres, cet aperçu historique, qui est loin d’être exhaustif, renseigne grandement sur l’Histoire du groupe OCP et de ses progrès technologiques et humains, d’engagements pour le développement du pays et de défis à relever dans le futur dont les linéaments se dessinent aujourd’hui.

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