Seulement 1.000 marocains inscrits au registre de don d'organe depuis 18 ans

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Un retard mortel


“Pourquoi pas? Une fois  morte, je voudrais bien  faire don d’un de mes  organes pour sauver la  vie à quelqu’un qui en a en besoin. C’est  un acte héroïque, quand même”. Pour  Nisrine et plusieurs autres personnes  que nous avons interrogées sur le sujet  du don d’organes, il s’agit là d’un ultime  et immense acte de charité totalement  acceptable.

Une tendance encouragée par le travail  remarquable menée par les intervenants  dans cette question. Dernier fait en date,  le lancement, mercredi 2 novembre 2016,  d’une campagne d’inscription au registre  de don d’organes au tribunal de première  instance de Rabat. Une initiative menée  par la Jeune chambre internationale (JCI)  de Rabat en partenariat avec l’Association  marocaine de don d’organes et de tissu  (AMODT).

Les plus jeunes semblent d’ailleurs plus  ouverts à la possibilité de faire don de  leurs organes. Lors d’un événement organisé  le 19 octobre 2016 par l’AMDOT à la  Faculté de médecine dentaire de Rabat,  54 étudiants parmi les 100 sondés ont  affirmé leur disposition à faire don de leurs  organes après leur décès. Seulement, ce  pourcentage assez important n’aurait pas  été atteint sans l’opération de sensibilisation  réalisée par l’association auprès de  ces étudiants, d’après la présidente de  l’AMDOT, Samya El Alami. «Le manque  d’informations est le premier obstacle  devant l’installation de la culture du don  d’organes au Maroc», poursuit-elle.

Situation critique
Malgré les avancées réalisées ces dernières  années, les chiffres sont encore en  deçà des aspirations. En effet, moins de  1.000 Marocains sont inscrits au registre  du don depuis 18 ans, d’après l’Association  Reins, qui a lancé à l’occasion de  la célébration, le 17 octobre 2016, de la  journée nationale de sensibilisation au  don d’organes et de tissus, un appel pour  développer ce «moyen thérapeutique,  qui est en soi un acte de générosité et de  solidarité qui sauve des vies».

De ce fait, la situation du don d’organes au  Maroc reste «délicate», avec un nombre  «croissant de patients qui décèdent par  manque de donneurs», l’association  souligne le «retard énorme qu’accuse le  Maroc en matière de greffe d’organes en  général et rénale en particulier».

D’un autre côté, selon des chiffres rendus  publics par le ministère de la Santé à  l’occasion de la journée mondiale du don  d’organe, seulement 3.927 greffes ont été  réalisées au Maroc jusqu’à 2015. Dans les  détails, au Maroc, seulement 460 greffes  rénales ont été réalisées de 1990 à 2015.  Si ce chiffre confirme le constat de l’association  Reins, il faut tout de même noter  une certaine évolution avec 200 greffes durant la période 2010-2015. Concernant  la transplantation cardiaque, une seule  greffe a été réalisée jusqu’à présent.

Pour ce qui est de la greffe du foie, qui  est également une opération longue et  complexe, le ministère fait état de 13  transplantations. La première a été réalisée  chez un enfant de 10 ans, à partir  de donneur vivant, au CHU Mohammed  VI. Pour ce qui est des autres greffes, 63  implants cochléaires ont été réalisés et  90 greffes à partir de donneurs en état de  mort encéphalique. Des progrès importants  ont été enregistrés pour d’autres  organes, à savoir la cornée et la moelle  osseuse et les cellules souches, avec respectivement  3.000 et 300 greffes.

Défi de la sensibilisation
Ces chiffres alarmants interpellent alors  sur la culture du don d’organes au Maroc.  Pourtant, la démarche est assez claire  et simple, mais le manque d’information  complique la situation. En effet, pour  s’inscrire sur le registre de donneurs, il  suffit de se présenter, muni de sa carte  d’identité nationale, au tribunal de première  instance correspondant à son lieu  de résistance. «Nous remercions les  parties qui ont contribué à la création  en 1996, de ce registre, car il représente  un énorme pas en avant, mais nous  déplorons quelques limitations imposées,  notamment celle de devoir s’enregistrer  impérativement dans sa ville de résidence  indiquée dans la CIN», nous explique la  présidente de l’AMDOT.

Par ailleurs, si la personne décide de  s’enregistrer, elle doit impérativement  informer sa famille, pour la simple raison  qu’il se peut que cette dernière l’enterre  après son décès sans être au courant que  le défunt désirait faire don d’un ou plusieurs  de ses organes. Mais il ne suffit pas  seulement d’informer mais il faut surtout  convaincre une fois pour toute sa famille,  car celle-ci peut toujours s’opposer à la  volonté du donneur après son décès.

Il s’agit là d’un facteur crucial, puisque  le don d’un organe doit se faire le plus  rapidement possible, généralement trois  heures au plus tard après le décès si l’on  veut préserver la qualité de l’organe en  question, ce qui fait que toute hésitation  de la famille du donneur pour anéantir la  chance d’un éventuel bénéficiaire qui a  besoin de cet organe en urgence.

Idées reçues
Si les acteurs associatifs insistent régulièrement  sur l’importance de la sensibilisation  comme outil principal afin  d’améliorer les statistiques relatives au  don d’organes au Maroc, c’est justement  parce que les idées reçues persistent  toujours et empêchent les citoyens de  franchir le pas. Sur le plan religieux, les  acteurs concernés se sont mobilisés ces  dernières années afin de dissiper toute  crainte chez les personnes désirant faire  don de leurs organes.

D’ailleurs, le prédicateur Mohammed  Fizazi, présent lors de la toute première  rencontre de l’AMDOT avec les médias,  le 13 septembre 2015, avait alors émis  un avis favorable à cette action de bienfaisance.  D’autres figures religieuses  adoptent la même vision, notamment le  président du Conseil local des Oulémas  de Oujda, Mohamed Benhamza.

Mais ces avis rappellent que les dons  doivent être protégés de toute forme de  trafic ou autre activité malsaine. Dans  ce sens, il arrive qu’une personne refuse  de considérer la possibilité de faire don  de ses organes après son décès, par  peur que ses organes soient vendus. Il  faut rappeler alors que les opérations de  greffe sont exclusivement réalisées dans  des établissements publics (les Centres  hospitaliers universitaires).

Tout cela justement dans l’objectif de  rassurer les citoyens et préserver la crédibilité  de l’acte de don d’organe. D’autant  plus que le don d’organe de la part d’une  personne toujours en vie (don de rein  essentiellement) est strictement régi. En  effet, ce genre de dons ne peut se faire  qu’en faveur d’un membre de la famille  et le donneur doit confirmer, devant une  audience composée d’un juriste et de  deux médecins, sa volonté d’exécuter son  désir de don.

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