Mohamed Selhami
Il est, somme toute, normal que l’élection d’un nouveau président américain interpelle tous les pays de la planète. La première puissance mondiale, on a tout intérêt à compter avec. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un personnage haut en couleurs comme Donald Trump. Dans cette nouvelle donne américaine, nous sommes concernés, nous autres Marocains, pour plus d’une raison et à plus d’un caractère distinctif. D’abord un tic ancien avant de sacrifier au factuel. A chaque élection présidentielle aux États Unis, l’Amérique nous paraît plus proche que nature.
L’Atlantique est vite enjambé pour nous projeter dans un enjeu électoral auquel nous adhérons volontiers. Certainement, l’effet retour permanent du premier pays à avoir reconnu un jeune État fraîchement indépendant sous sa bannière étoilée. Même si elle est quelque peu élitiste, cette primeur historique semble être devenue un trait de culture appuyé par l’appel au large et une aventure maritime aux accents fortement commerciaux, des siècles durant.
L’affrontement électoral pour un bureau ovale à une seule place à la Maison Blanche est dual. Ça se passe essentiellement entre Républicains et Démocrates. Les autres concurrents partisans, aussi légitimes soient-ils, comptent pour un complément de vote, au cas où. Nous nous croyons obligés de nous définir par rapport à cette dualité. Les maroco-démocrates face aux maroco-républicains.
La réalité américaine, c’est que, au-delà des discours de circonstance et des cris de ralliement, parfois folkloriques, cette ligne de partage n’est pas vraiment étanche. Quelle que soit la couleur partisane du président frais émolu, c’est la continuité de l’État qui prime. Cette constante qui n’est pas loin de la vérité vaut-elle pour Donald Trump? Il y a lieu d’en douter. L’homme est réputé être d’un pragmatisme à tout crin. Au nom de l’État, précisément.
Quel rapport aura-t-il avec nous? Tiendra-t-il compte de notre singularité géopolitique et, pourquoi pas?, de la particularité historique de notre rapport aux États Unis d’Amérique? Il est bon de connaître l’idée que Donald Trump se fait du continent africain. Si l’on s’en tient à son slogan de campagne “L’Amérique d’abord”, l’Afrique n’est pas du tout dans l’ordre de ses priorités de demain.
Tout au long de son périple électoral, il n’a pratiquement jamais fait allusion à l’Afrique. Si les États Unis négligent traditionnellement le continent africain, il est à craindre qu’avec Donald Trump cet intérêt soit encore plus restreint. La nomination de Rex Tillerson au secrétariat d’État n’augure pas d’une largesse d’esprit. Bien au contraire, cet ancien patron du géant pétrolier ExxonMobil aurait tendance à cultiver l’idée d’une “Afrique utile”; en clair les États pétroliers, du Niger à l’Angola, en passant par le Tchad, la Libye et le Mozambique. Pas de panique. Rien n’est joué d’avance. L’ébauche d’une coopération Sud-Sud que le Maroc est en train de construire pourrait très bien s’inscrire dans la vision “trumpienne” du rapport au continent africain.
Pour ce qui est de notre intégrité territoriale, des signes avant-coureurs poussent à un optimisme prudent. Pas plus tard que le mercredi 18 janvier 2017, le CIA a déclassifié des documents relatifs à la perception américaine du conflit autour du Sahara marocain. Document repris par le Washington Post. On y trouve la réponse à une question centrale, «l’Algérie peut-elle encore nier qu’elle est partie prenante au conflit du Sahara? ».
Le document révélé tord le cou à cette dénégation. Il est clairement dit que «l’Algérie a de grands gisements dans la région de Tindouf, qu’elle souhaite exporter à travers le Sahara». Un voeu que l’Algérie a toujours caressé «en se drapant derrière un discours tiers-mondiste hier en vogue, aujourd’hui passé de mode, selon lequel Alger est la Mecque des révolutionnaires (de tous horizons)». Une bonne base pour une dissension fructueuse
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