
La veillée électorale du 7 au 8 octobre 2016, n’a pas été vaine. Elle a plutôt été haletante. De régions en circonscriptions, d’entretiens sur le terrain en débats sur le plateau, la couverture par les deux chaînes du service public a été parfaite. Comme prévu, les raisons sociales n’ont pas été en reste, il en pleuvait d’images, de déclarations et de vidéos. La tradition démocratique des grandes soirées électorales était bel et bien installée chez nous.
Ce deuxième scrutin sous l’empire de la constitution de 2011, avait une signification particulière. Il devait soit pousser les islamistes du PJD, au pouvoir depuis cinq ans, vers la sortie et par la force des urnes. Avec les remerciements chaleureux des électeurs. Soit les retenir pour un second mandat avec les félicitations appuyées de leurs militants. C’est cette dernière option qui a prévalu. Les plus indulgents disaient que le départ du PJD était dans les règles de la pratique politique, tellement le pouvoir use les formations et les personnes les plus endurcies.
Tandis que les plus intransigeants, pour des raisons qui sont les leurs, estimaient qu’une législature islamiste, pourquoi pas; par contre, deux législatures, bonjour les dégâts. Au fil des résultats partiels qui s’égrenaient, la tendance d’un PJD reconduit dans son leadership partisan, se précisait. C’est la volonté démocratique et la marque de souveraineté du peuple électeur qui se sont exprimées c’est surtout une bonne chose pour le Maroc. De par sa nature et son référentiel islamiste acquis au jeu démocratique, le PJD a permis de passer le gué du Printemps arabe, ce qui n’est pas rien. Il a ainsi payé les arriérés de ses attributs d’existence légale.
Le débarquer, en tordant le cou à la vérité des urnes, n’aurait pas été une bonne chose pour le Maroc, tant à notre rapport à la transition démocratique, qu’à l’image que nous aurions renvoyée à nos observateurs étrangers et autres évaluateurs de tout acabit qui avaient les yeux rivés sur nous, pour mieux nous attendre au tournant. Une perspective aux conséquences néfastes et durables que nous avons ainsi évitée.
Vu notre ancrage historique, nous sommes dans un pays régi par la longue durée; un pays où les petites continuités de conjoncture s’inscrivent dans les grandes, où le temps politique n’a d’autre choix que s’y faire. Bien qu’il ne soit pas un parti comme les autres, le PJD s’est normalisé au contact du pouvoir et de la chose nationale. Il s’est même bonifié.
Une évolution d’autant plus méritoire qu’il est venu de loin, au gré des événements qui ont émaillé son histoire. Après les attentats terroristes du 16 mai 2003, à Casablanca, d’aucuns l’avaient mis en point de mire, sous couvert d’une “responsabilité morale”.
Si nous n’étions pas sous le règne du “raison garder”, le PJD aurait disparu. À Maroc Hebdo, nous étions parmi les rares à l’avoir soutenu, à partir d’un questionnement de bon sens, en guise de titre de couverture, “À qui profite le crime?”. Ce qui ne nous a pas empêchés de garder notre distance critique par rapport à certains faits et actes de son premier mandat. Il en sera de même pour le deuxième.
Quoi qu’on dise sur son paraître et ses dérapages de langage, pas toujours conformes à la solennité du pouvoir dont il est investi, Benkirane est devenu un homme d’État. Tout benef pour le pays.