Ramadan: la piété et plus...

Mustapha Sehimi

Le renchérissement habituel des prix au cours de ce mois sacré ne va pas apaiser le climat social.

Ce mois sacré du Ramadan n’est pas seulement une période inscrite au titre des cinq piliers de l’Islam; il est aussi, dans l’agenda annuel, un temps particulier. Parce qu’il traduit une religiosité plus marquée -dans les mosquées, dans les veillées, dans la relecture du Coran...-, il induit un autre ressort dans la vie sociale et, partant, dans celui des citoyens quant à l’évaluation de leur vie quotidienne avec ses charges et ses contraintes.

Cette année, précisément, le climat présente bien des particularités. Globalement, l’optimisme l’emporte-t-il? Pour parler comme le HCP, l’indice de confiance est-il en voie d’amélioration chez les ménages? Difficile d’y donner une réponse affirmative. Au-delà des chiffres et des multiples indicateurs qui les prolongent, ce qui prévaut sans doute le plus aux yeux des citoyens, c’est autre chose: la perception du ressenti, du vécu aussi.

Avec le printemps arabe et sa variante locale du Mouvement du 20 Février, le citoyen s’assume en tant que tel: la parole s’est davantage libérée, le moi, que ce soit celui de l’usager, de l’administré ou du contribuable, s’affirme en dehors de l’espace institutionnel et déborde ainsi sur la rue; la manifestation devient un choix et, plus encore, un élan pour faire entendre sa voix en même temps que ses besoins, ses attentes et ses aspirations.

Avec la nouvelle Constitution de juillet 2011 voilà que le principe de la démocratie participative est consacré et qu’il emporte un certain nombre de conséquences, dont la reddition des comptes. Les gouvernants –du gouvernement au parlement jusqu’aux collectivités territoriales- sont ainsi désormais interpellés sur leur gestion et son efficience.

Les événements d’Al Hoceima, suivis par d’autres, à Jerada en particulier, sont l’expression d’une nouvelle dynamique sociale empruntant diverses formes de contestation. Aujourd’hui, cette affaire de boycott de trois grandes entreprises économiques participe de ce processus. Sauf à préciser que c’est une résistance passive qui se généralise de plus en plus et qui, avec le Ramadan, risque de se polariser et de s’exacerber. Ce qui est en cause, c’est bien le pouvoir d’achat, autrement dit, c’est le consommateur –attaché aux principes de justice sociale et de solidarité consubstantiels à l’Islam– qui fait irruption dans le champ de la contestation. Le gouvernement actuel a-t-il su y faire face? Pas vraiment. Après une vingtaine de jours de singulier mutisme, il a réagi mais de manière pratiquement contreproductive. Les déclarations du chef de l’Exécutif et celles de certains de ses ministres n’ont pas manqué de maladresse, relançant pratiquement l’ardeur des boycotteurs. Le renchérissement habituel des prix des produits de grande consommation au cours de ce mois sacré ne va pas pousser à apaiser le climat social. C’est d’autant plus notable que l’on ne voit pas très bien ce que ce gouvernement peut sortir de sa besace pour dépasser ce palier dépressif qui s’accentue d’ailleurs depuis des mois.

Le Chef du gouvernement, malgré sa bonne volonté, peine à affirmer son leadership et à incarner une véritable politique réformatrice; ses ministres ne sont pas mieux lotis, une bonne partie d’entre eux restant inconnus de l’opinion publique.
Qu’une relance et une reprise en mains s’imposent, personne ne peut sérieusement le contester. Marteler que ce gouvernement a pour crédo «l’écoute et les réalisations» –comme le fait Saâd Eddine El Othmani– ne permet guère de rallier les suffrages ni de gagner l’adhésion. Continuer dans cette voie par frilosité, déficit de gouvernance ou incompétence? Ce serait la plus mauvaise des solutions. En tout cas, quel contraste entre le Maroc à l’international –offensif, crédible, avec un leadership personnel et politique assumé par le Roi– et le champ domestique encalminé et empêtré, lui, dans une situation subie où l’amertume, le désenchantement, la contestation et la colère même génèrent au final un état des lieux pour le moins préoccupant.

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