Mort du général El Kadiri, figure emblématique des FAR

Mohamed Selhami

ADIEU, MON GÉNÉRAL

Le parcours du général El Kadiri est un modèle du genre, qui mérite d’être rappelé, pour l’Histoire.

Le décès d’un grand chef militaire est toujours durement ressenti par ses compagnons d’armes. La mort du général de corps d’armée Abdelhak El Kadiri, le mardi 21 novembre 2017, à Rabat, après une longue maladie, est de cet ordre. Il était l’exemple même de l’officier supérieur, autant par ses compétences professionnelles que par ses qualités humaines.

On le voyait aux côtés de S.M. Hassan II, un peu en retrait comme il se doit, lors des déplacements du défunt roi à l’étranger. Pieux, l’homme était d’une discrétion absolue, depuis toujours. Cette marque distinctive n’était pas dictée que par sa fonction de patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), c’était un trait de caractère qui l’a accompagné tout au long de son itinéraire dans l’armée et à travers toutes les responsabilités qu’il a assumées. Une modestie naturelle qui lui a permis de gagner la sympathie, la confiance et le respect de ses collaborateurs les plus proches; ainsi que de solides amitiés dans la société civile.

C’est avec la même facilité de contact qu’il allait à la rencontre des partis de l’opposition, Istiqlal et USFP, principalement. Paradoxalement, les périodes de crispation politique, à l’intérieur comme à l’extérieur, rendaient le dialogue encore plus nécessaire. Le général El Kadiri y allait avec les mêmes dispositions d’écoute; avec la même volonté de recherche d’un terrain minimum d’entente. Il jouait ainsi, avec beaucoup d’allant, l’émissaire du Palais auprès de la classe politique issue du Mouvement national. À l’étranger, il maintenait le contact au pire des relations avec des pays d’Europe, d’Afrique et du Maghreb; particulièrement avec l’Algérie, pour ne pas la nommer.

Le parcours du général El Kadiri est un modèle du genre, qui mérite d’être rappelé, pour l’Histoire et pour les générations futures. Ce natif d’El Jadida, le 13 janvier 1937, jeune bachelier de 18 ans a d’emblée choisi la carrière militaire en s’engageant dans les FAR. Il fera les écoles les plus prestigieuses et les plus rigoureuses en matière de formation militaire pour de futurs officiers, Saint-Cyr et l’École de guerre de Paris. Rien que cette filière est une marque de qualité professionnelle. Ces deux institutions ont eu pour élèves les chefs historiques des armées de France et de pays francophones.

Une fois dans les rangs, de retour au pays, le général El Kadiri gravit tous les échelons, par sa propre capacité de commandement et d’exécution. Il n’a jamais rechigné devant les missions les plus délicates qui lui étaient confiées; et Dieu, sait s’il y en avait.
Le règne de Hassan II n’était pas de tout repos, surtout pour ses proches collaborateurs. Le général El Kadiri en faisait partie. Le patriotisme chevillé au corps, il avait pour priorité permanente sa contribution à la défense de l’intégrité territoriale et de la stabilité politique du pays.

Son accès direct au Roi, sans autre intermédiaire de l’étiquette protocolaire, ne lui donnait pas une quelconque forme de griserie du pouvoir. Il ne s’en gargarisait pas, quelle que soit la circonstance; ce qui donnait de la crédibilité et de la consistance à son propos. Quand le général El Kadiri échangeait un brin de discussion dans les cérémonies où il choisissait de se rendre, l’entourage tendait l’oreille. Mais c’était généralement peine perdue. La rigueur militaire, ajoutée aux impératifs de la sécurité extérieure dont il avait la charge entre 1983 et 2001, reprenaient vite le dessus.

Et pourtant, toutes ces raideurs propres à un corps de métier et qui ressemblaient à des réflexes conditionnés, n’étaient qu’apparence. L’homme était un érudit, d’esprit ouvert et de posture joviale. Il appréciait la fréquentation des intellectuels et des artistes. Un milieu où la réflexion et le rêve s’invitent sans préséance de protocole ou contrainte de langage.

C’était certainement le meilleur moyen de prendre du recul, pour mieux affronter les obligations qui étaient les siennes. S.M. Mohammed VI, qui avait beaucoup de considération pour le général El Kadiri, le nomma en 2001 au poste d’inspecteur général des FAR, la plus haute responsabilité au sein de l’institution militaire marocaine. Poste qu’il a occupé jusqu’en 2004, couronnant ainsi une brillante carrière au service de la nation.

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