Meryem Alaoui: "Remporter un prix n'est pas mon objectif"

MERYEM ALAOUI, écrivaine, auteure du livre “La vérité sort de la bouche du cheval”, en lice pour le Prix Goncourt 2018

Un premier roman, intitulé «La vérité sort de la bouche du cheval», et déjà le nom de l’écrivaine marocaine Meryem Alaoui figure sur la liste des lauréats au Prix Goncourt 2018. Dans cet entretien, à coeur ouvert, avec l’écrivaine, elle nous parle de la nouvelle aventure de l’écriture, qu’elle entame avec bonheur.

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques lignes?
Je suis née et j’ai grandi à Casablanca. Je vis à New York actuellement. Le qualificatif qui me définit le mieux est «toucheà- tout». J’ai travaillé dans la bijouterie, le cinéma, les ressources humaines, la communication, les cosmétiques, les medias, la boulangerie-pâtisserie… J’aime le changement et je suis très heureuse d’avoir l’opportunité aujourd’hui de vivre une nouvelle aventure à travers la publication de mon roman La vérité sort de la bouche du cheval.

Comment avez-vous reçu l’annonce de la sélection de votre roman pour le Prix Goncourt 2018?
J’ai été surprise mais très heureuse d’être sélectionnée parmi les 15 romans de la première liste pour le Goncourt. Je ne m’attendais pas à un tel accueil. Ma principale satisfaction reste avant tout le fait d’être publiée –par Gallimard, la maison qui m’a toujours fait rêver. Etre sélectionnée pour des prix ou les prix eux-mêmes, sont «la cerise sur le gâteau», rien de plus.

Ce n’est pas rien de réussir à avoir de la reconnaissance dès son premier roman, puisqu’il est également en lice pour le prix Patrimoines et le Prix Stanislas. Cela vous met-il la pression pour les livres à venir? Comment vivez- vous cela?
Non, je ne ressens pas de pression. Ni pour écrire un second roman ni pour qu’il soit meilleur que le premier. Je crois que c’est lié au fait que je ne me définisse pas comme une romancière. J’ai écrit un roman parce qu’à un moment l’envie a coïncidé avec la possibilité. J’en écrirai certainement un deuxième. Mais je ne sais pas quand ni sur quel thème. Quand je peux me le permettre, je n’aime pas trop planifier et préfère suivre le cours naturel des événements.

La vérité sort de la bouche du cheval raconte l’histoire d’une jeune femme, Jmiaa, poussée à se prostituer à Casablanca pour survivre et nourrir sa fille. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette histoire et comment l’avez-vous construite?
Jmiaa, l’héroïne, n’est pas poussée par la misère. Ce qui l’a entraînée vers la prostitution est plutôt lié aux hasards et aux aléas de la vie: son manque d’expérience, sa rencontre avec son mari et le fait qu’il ait eu besoin d’argent à un moment particulier... Ce n’est donc pas du tout par nécessité que Jmiaa s’est prostituée. Comme beaucoup d’entre nous, elle a suivi son chemin et s’est retrouvée là où elle est.

Et qu’est-ce qui vous a inspirée?
En ce qui concerne l’inspiration, j’ai vécu pendant 8 ans au quartier Mers Sultan, au centre-ville de Casa, un endroit très vivant avec beaucoup de bars et d’action. Quand ma fille est née, je l’y promenais tous les jours. Il y avait –et il y a d’ailleurs toujoursbeaucoup de prostituées qui y travaillaient et y vivaient. Elles me fascinaient. Je ne savais pas que j’écrirais un roman sur le sujet, par curiosité je cherchais à écouter leurs conversations et savoir ce qui se passait dans leur vie. Finalement, le jour où je me suis assise pour écrire, j’ai vomi toutes ces anecdotes et ces histoires dont je n’avais même pas conscience de les avoir stockées.

Si vous arrivez à décrocher le prix Goncourt de cette année, vous serez la deuxième femme à l’avoir eu après Leila Slimani. Est-ce que cela aura une signification particulière pour vous?
Je serais ravie d’être la lauréate du Goncourt. Cela étant, outre le fait que ça ne dépende pas de moi, remporter un prix n’est pas un objectif. Je prends le fait d’être publiée comme une nouvelle aventure dont je savoure chaque instant: je découvre un monde nouveau, de nouvelles manières de travailler, rencontre de nouvelles personnes, voyage. Pour moi, qui aime avant tout explorer les gens et le monde, c’est une aubaine.

A votre avis, qu’est-ce qui a décidé le jury à sélectionner votre roman?
Il faudrait leur poser la question (Sourire).

Comment avez-vous eu le goût de l’écriture?
Chez mes parents, j’ai eu la chance d’avoir accès dès mon plus jeune âge à une bibliothèque très fournie et diversifiée. A la maison, nous lisions tous. Je crois que la lecture est un prélude à l’écriture car elle donne le goût des mots. Et comme par ailleurs j’étais une enfant assez secrète, écrire mon journal -ou des poèmes- me permettait d’exprimer des émotions dont je ne parlais pas nécessairement.

Pourquoi écrivez-vous?
J’écris parce que c’est une évidence pour moi de le faire.

Avez un rituel particulier pour écrire?
Pour ce roman, oui. Prier avant chaque séance d’écriture pour réussir à m’effacer complètement, à cesser d’exister. Pour laisser toute la place à Jmiaa.

Avez-vous un projet de roman en cours?
Non, pas pour l’instant.

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