Le nouveau Conseil de régence

Mustapha Sehimi Mustapha Sehimi

Lors du dernier Conseil  des ministres, tenu à  Laâyoune, le 6 février  2016, a été adopté le  projet de loi organique relatif  au nouveau Conseil de régence  prévu par la Constitution de  juillet 2011. Il s’agit là d’un texte  important venant implémenter  l’application de la loi suprême  dans une situation institutionnelle  particulière: celle de la  minorité du Roi. Du point de vue  procédural, tout d’abord, ce texte  a été directement inscrit à l’ordre  du jour du Conseil des ministres,  en application des dispositions  de l’article 49 de la Constitution.  Il n’avait pas, à ce titre, à être  délibéré par le Conseil du gouvernement.  Il a d’ailleurs été préparé  par le secrétariat général du gouvernement  en étroite liaison avec  le cabinet royal…

Cela dit, quelles en sont les  nouveautés? La première, c’est  assurément la désignation du  Chef du gouvernement parmi les  membres du Conseil de régence,  aux côtés de quinze autres  membres, dont les présidents des  deux Chambres du parlement.  Une «correction» qui a tout son  sens au moins pour deux raisons.  L’une a trait au nouveau statut  du Chef du gouvernement, issu  des résultats des urnes et à la  tête d’une majorité. Il aurait été  anormal qu’il n’y soit pas du  fait de la légitimité électorale et  politique de son statut. Quant à  l’autre, elle regarde la nature et la  dimension des attributions de ce  Conseil de régence. Cet organe est en  eff et appelé à fonctionner dans une  période de «transition»; il s’apparente  à un “chef d’Etat collectif”  prenant en charge «les pouvoirs et  les droits constitutionnels de la Couronne,  sauf ceux relatifs à la révision  de la Constitution» (art. 49, al. I).  Pourquoi cette exception? Parce que  le Conseil de régence n’est appelé à  fonctionner que par «intérim» pour  assurer la continuité institutionnelle.

Lui donner la faculté de pouvoir  revoir la loi suprême, c’est lui  permettre de modifi er peu ou prou  l’architecture institutionnelle et les  relations entre les organes publics. A  noter encore, deux autres remarques.  Au plan religieux, c’est le Roi mineur  qui a la charge de Commandeur des  croyants qui lui est transmise par  succession dynastique sur la base  d’un renouvellement de la Bay’a.  De plus, pour ce qui est du domaine  militaire, le président du Conseil de  régence assume les fonctions de chef  suprême des Forces armées royales  mais avec deux restrictions. Ainsi,  il ne peut les placer en état d’alerte  ni ordonner des opérations ou une  concentration de troupes que sur la  base d’une délibération conforme du  Conseil de régence et du Conseil  supérieur de sécurité.

Au titre des innovations, il faut  relever que le président-délégué  du pouvoir judiciaire en est  membre, ainsi que le secrétaire  général du conseil supérieur des  ouléma, ce dernier substituant  donc le président du Conseil  régional des ouléma des villes de  Rabat et de Salé. Reste la question  des dix autres membres désignés  par le Roi intuitu personae.  L’ancien texte avait élargi ce quota  de sept à dix membres. Qu’en  sera-t-il dans le nouveau Conseil  de régence? Quels seront les  paramètres de désignation des  uns et des autres? Qui y seront et  peut-être surtout qui n’y seront  pas? En tout état de cause, cela  ne manquera pas de sens.

La dernière modifi cation est  relative à l’âge de la minorité  du Roi qui est relevé de 10 à 18  ans. C’est un retour à un seuil  déjà fi xé dans les trois premières  Constitutions de 1962,1970 et  1972. Son abaissement à 16 ans,  lors du référendum du 23 mai  1980, n’a jamais fait l’objet d’une  lecture offi cielle conséquente et  probante, quoi que…  Ce conseil de régence substitue  l’exercice des pouvoirs et droits  du Roi jusqu’à l’âge de dix ans  et fonctionnera comme organe  consultatif ensuite jusqu’à ce que  le Roi ait atteint vingt ans. Un  accompagnement sous forme de  monitoring mais seulement de  conseil de bonne gouvernance à  l’initiative du souverain.

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