L’ALGÉRIE DANS LA TOURMENTE

LES CRAINTES DU MAROC

Le corollaire d’une crise du régime algérien est le risque aventuriste d’une tension à partir des camps de Tindouf pour multiplier les provocations et les incidents avec le Maroc.

Oui, le Maroc suit avec préoccupation l’évolution de la situation politique actuelle en Algérie. Les autorités sont très attentives à ce sujet; l’opinion publique aussi. Quel est l’état d’esprit général dans le Royaume? En premier lieu, le souhait que la stabilité de ce pays voisin ne soit pas compromise; que les manifestations pacifiques qui se généralisent ne débordent pas du côté de l’affrontement et de la violence; et que l’appareil sécuritaire ne recoure pas à des provocations ou à des actes de répression disproportionnés par suite de telle ou telle instrumentalisation de certains cercles du pouvoir.

L’on en est en effet à cette problématique: comment va se poursuivre cette contestation populaire dans les prochains jours et les semaines précédant le scrutin présidentiel du 18 avril 2019? Avec des interrogations connexes: l’acte de candidature de Abdelaziz Bouteflika briguant un cinquième mandat, officialisé le 3 mars, ne va-t-il pas relancer l’agitation et fédérer des forces vives autour des jeunes, des étudiants, des avocats, et d’autres catégories socioprofessionnelles? Même réélu, Bouteflika pourra-t-il assumer sa charge dans des conditions d’apaisement alors que vient de s’enclencher un processus de mise en cause frontale de la «légitimité» de son statut présidentiel? Enfin, la cristallisation qui s’est faite sur son mandat renouvelé a élargi le débat politique en s’en prenant aux fondements mêmes du régime et en se mobilisant pour un projet alternatif marqué du sceau de la démocratie, de l’Etat de droit, du pluralisme, etc.

Au Maroc, les craintes portent sur la déconstruction de l’Etat algérien et, en même temps, du pouvoir. Un processus pouvant être fragmenté et éclaté entre des clans en compétitions, soit dans le schéma d’un cinquième mandat de Bouteflika, soit dans celui créé par une situation mal ou pas maîtrisée précisément par suite de la reconduction de ce chef d’Etat… jusqu’à 2024 !

Ce que redoute au vrai Rabat, c’est aussi ce qui est ressenti et appréhendé dans de grandes chancelleries comme Paris, Washington, l’UE à Bruxelles, Madrid ou Moscou, pour ne citer que celles ci. Que risque-t-il de se passer? Tout d’abord, une forte pression migratoire à la frontière orientale à Oujda. Dans cette hypothèse, des milliers d’Algériens se présenteraient pour demander le droit d’asile et bénéficier des traditions d’accueil et d’hospitalité du Maroc. Peut-on fermer la porte à une telle exigence humanitaire?

Problème humain donc mais aussi d’ordre diplomatique que celui d’une crise politique majeure en Algérie. Ainsi, la politique de la main tendue du Maroc formulée dans le discours royal du 6 novembre 2018 n’aura pas de réponse. C’est qu’à Alger aucun acteur ou plutôt aucun décideur ne peut prendre la moindre initiative dans le sens d’une normalisation des relations maroco- algériennes. Pourquoi? Parce que cette question ne figure pas dans les priorités des uns et des autres.

Ils sont tous mobilisés en effet dans la gestion de la fin de mandat Bouteflika et dans la mise sur pied d’une formule liée à sa nouvelle candidature présidentielle le 18 avril. Un enjeu de pouvoir, de positionnement, de rapport de forces qui ne s’embarrasse pas de la qualité des rapports avec le Maroc. Le plus simple parce -que c’est le plus économique, pourrait-on dire-, n’est-ce pas à leurs yeux le statu quo et la gestion a minima des relations avec Rabat? L’aspect sécuritaire n’est pas moins prégnant à cet égard. Il intéresse plusieurs domaines. Le tutorat sur les éléments armés des séparatistes du Polisario sera-t-il assuré? Des divisions au sein de la hiérarchie militaire peuvent conduire –ou pousser?– à nourrir des foyens de tension portant atteinte au cessez-le-feu instauré depuis septembre 1991.

Le corollaire d’une crise du régime algérien est le risque aventuriste d’une tension à partir des camps de Tindouf pour multiplier les provocations et les incidents avec le Maroc et viser ainsi à une internationalisation de la question du Sahara.

Des craintes donc? Tous les pays de la région les ressentent fortement, sans oublier des puissances étrangères. Le souci commun est celui de la stabilité et de la sécurité en Algérie. Mais est-ce possible et faisable à terme si le système en place sans ce pays n’a pas d’autre visée que de se maintenir et de se perpétuer?.

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