La majorité des caisses de retraites menacées

Deux cotisants pour un retraité

Les cinq caisses de retraite, régies par diverses réglementations, connaissent, chacune, une situation financière différente. Pour leur majorité, le nombre de cotisants actifs est en baisse inquiétante par rapport au nombre de retraités.

Commençons par nous inquiéter un peu pour finir par nous alarmer. Le rapport démographique moyen des cinq régimes de retraite de base au Maroc s’est situé à 5,8 actifs cotisants pour un retraité en 2017, contre 6,5 en 2013, selon le rapport annuel de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) sur le secteur de la prévoyance sociale.

Inquiétant, non? Encore plus inquiétant est le constat qui révèle que les niveaux de ce rapport démographique diffèrent considérablement d’un régime à l’autre. Si le rapport démographique de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) atteint 9 actifs cotisants pour un retraité, il est de l’ordre de 2,5 pour la Caisse marocaine de retraite –régime de pensions civiles (CMR-RPC), un niveau critique eu égard à son mode de financement, reposant sur le principe de la répartition, lit-on dans le rapport.

Rapport démographique
Le rapport démographique du Régime collectif d’allocation de retraite –régime général (RCAR-RG) a, pour sa part, atteint 1,6 actif cotisant pour un retraité. La couverture retraite est appréhendée à travers deux indicateurs, à savoir la proportion de la population active occupée couverte par un régime de retraite de base et celle de la population âgée de 60 ans et plus bénéficiant d’une pension de vieillesse ou d’invalidité. La population active occupée s’est élevée en 2017 à 10,7 millions de personnes, dont 41,8% disposent d’une couverture retraite. Malgré la faiblesse du taux d’activité des femmes à l’échelle nationale (21,3%), celles-ci sont mieux couvertes que les hommes en matière de retraite avec un taux de 51,9%, contre 37,6%.

Paradoxe marocain
Au moment où le nombre d’actifs baisse pour la majorité des caisses de retraite, la population des retraités principaux est passée de 560.900 en 2013 à 722.900 en 2017, soit une augmentation annuelle moyenne de 6,6% sur la période analysée. Tandis que la deuxième catégorie de bénéficiaires des régimes de retraite (représentant les veuves et les veufs qui perçoivent une pension de réversion) a atteint un total de 291.500 personnes, ce qui représente une augmentation de 6,5% par rapport à 2016.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les retraités de certaines caisses les plus menacées sont cependant mieux lotis que ceux des caisses dont l’assisse financière est solide. Ainsi, la moitié des retraités de la CNSS ont touché une pension mensuelle inférieure à 1.534,5 dirhams (valeur médiane), alors que ce montant se situe à 5.234,5 dirhams au CMR-RPC et à 3.833,9 dirhams au RCAR-RG.

Somme toute, parler d’un système de retraite en crise est une ignorance de la réalité marocaine. Car il existe plutôt des caisses de retraite régies par diverses réglementations, et chacune avec une situation financière différente. En vérité, il n’existe pas de coordination entre ces différentes caisses.

Pour ce qui est de la crise, seul le régime des pensions civiles géré par la CMR (Caisse marocaine des retraites) vit une situation alarmante en raison de l’épuisement probable de ses réserves à court terme (en 2029 selon les prévisions). Les autres caisses peuvent connaître le même sort, mais à moyen et long termes.

En vérité, la réforme du système de retraite a été entamée en 2001, avec le début de l’opération d’externalisation des Caisses internes des établissements publics au RCAR (Régime collectif d’allocation de retraite): ONCF, Régie des Tabacs, OCP, Lydec et les régies de distribution... Toutes ces Caisses étaient en situation de crise et leur transfert a coûté au contribuable des milliards de dirhams.

Ce qui reste, ce sont Bank al-Maghrib et la branche électricité de l’ONEE, qui ne l’ont pas encore fait. L’estimation de leur ticket d’entrée au RCAR s’élève à 18 milliards de dirhams. Mais, au-delà des chiffres, la grande majorité des retraités marocains vivent vraiment dans la précarité. Avec des pensions dérisoires et n’évoluant pas en fonction de l’inflation des prix, les retraités vivotent et peinent à assurer le minimum vital, pour eux comme pour les autres membres de leurs familles qui sont encore à leur charge. Et comme pour oublier leur souffrance, ils passent le gros de leur temps dans les coins des rues à jouer aux jeux de dames ou à discuter de tout et de rien… Le comble, c’est que leurs pensions sont fortement imposables, ce qui réduit leur valeur. Tout récemment, la Fédération des associations nationales des retraités au Maroc a lancé un appel au gouvernement où elle demande de relever la marge du revenu non imposable au profit des catégories ayant un revenu bas et au profit des veuves. Elle demande aussi l’application de la retraite minimale (1.500 dirhams) pour les veuves et la généralisation de ce montant à l’ensemble des caisses de retraites.

Des pensions dérisoires
Aujourd’hui, cette dernière ne s’applique que par la Caisse marocaine des retraites (CMR) et par le Régime collectif des allocations de retraite (RCAR). La fédération, qui rappelle que 75% des retraités de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) perçoivent une pension de moins de 2.000 dirhams, demande également au gouvernement de relever les montants dérisoires des retraites en les nivelant avec le salaire minimum (SMIC). Car après de longues années de travail et de labour, la moindre des choses est que ces retraités qui ont tant contribué aux différentes caisses de retraite, vivent ce qui leur reste à vivre dans la dignité.

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