La fatale pauvreté

Driss Fahli

Bassima Hakkaoui n’a fait que répercuter ce que son gouvernement lui a dicté.

Bassima Hakkaoui, qui occupe le tabouret de ministre de la solidarité, et de la carence du savoir-faire social, a involontairement allumé la postcombustion de la toile et des réseaux sociaux avec sa définition de la pauvreté. Bassima, loin de nous bassiner, n’a fait que répercuter ce que son gouvernement lui a dicté: N’est Marocain pauvre que celui qui gagne moins de 20 dh par jour. Avec ce mode opératoire de poulie de transmission, la ministre marque son oeuvre ministérielle dans l’histoire politique du Maroc. Le billet de 20 dirhams porte désormais le sobriquet de Bassima. Les 50.000 ferrachas, les 130.000 boutiquiers de l’informel et les innombrables et indénombrables vendeurs à la sauvette qui ne se sauvent plus ont décidé de baptiser le billet de 20 dirhams du pseudo «Bassima». «Prête-moi un Bassima», «fais-moi la monnaie de ce Bassima» sont des expressions qui ont déjà intégré le langage populaire de l’informel. Une façon de rompre la souffrance de la pauvreté par l’humour.

La pauvre Bassima (on peut être millionnaire et pauvre dans plein d’autres domaines) a justifié son glissement définitoire de la pauvreté par celui retenu par un autre pan institutionnel de notre spécificité de «tout va bien dans le meilleur des mondes», j’entends par là le Haut Commissariat au Plan (HCP), qui a positionné la balise à 20 dh pour délimiter notre pauvreté pécuniaire. Comme Pangloss l’avait enseigné à Candide, le HCP optimise ainsi ses statistiques pour nous persuader qu’au Maroc, on bénéficie d’une forme d’opulence low-cost à vivre dans le meilleur des mondes.

La vague de froid, les nombreuses victimes qu’elle a emprisonnées dans la neige et les impacts funestes qu’elle a provoqués sur des populations et des villages entiers, ont mis à découvert le ridicule de cette habitude de brossage dans le sens du poil privilégiée par nos responsables politiques pour masquer la réalité sociale. Les réseaux sociaux regorgent de situations insupportables vécues par la population dès qu’il s’agit d’un iota d’urgence, d’une situation inhabituelle ou du structurel laisser-aller régional. Entre l’indigence, la misère, la nécessité, la dèche et la mouise il n’y a que l’embarras du choix dans un environnement de spéculation, de corruption et de trafic où le nombre de milliardaires instantanés est en constante augmentation.

Mais, au fait, c’est quoi cette pauvreté qui a piégé notre Bassima nationale? Théoriquement est pauvre celui qui ne peut pas se payer sa nourriture, son logement, son eau potable, son électricité, son chauffage, ses communications, ses soins médicaux, et l’éducation scolaire de ses enfants. A ce compte-là, tous les smigars, smagards et ceux chômeurs sont dans la catégorie des pauvres. Ne dites pas cela au HCP, il risque d’éclater en morceaux. Nous perdrions ainsi un précieux maquilleur de la poudrière sociale. Aujourd’hui, c’est par l’aumône que le gouvernement répond, quand il est forcé et contraint, aux ravages de la pauvreté. L’histoire nous apprend que les conflits entre les pauvres et les riches sont générateurs d’instabilité et de menaces pour le pouvoir existant.

À suivre la Banque mondiale dans ses définitions libérales de la pauvreté (moins de 1,25$/ jour), Plutarque nous avait prévenus 100 ans après J.C que nous risquons la contraction de la maladie la plus fatale du Royaume.

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