"Juste un esprit libre"

Témoignage de Mohamed Bachir Thiam, ancien journaliste de Maroc Hebdo

Le coeur de Mohammed Amale Samie, si tendre, si bon, si généreux, s’est arrêté de battre, le 27 janvier 2018. Quoi que nous puissions vivre, Tonton, comme aiment encore à l’appeler les acteurs de l’underground casablancais, ne nous a pas laissé orphelin. De tout temps, il a désiré pour tous ceux qui gravitaient autour de lui beaucoup plus que le salut. Samie a désiré qu’ils soient accompagnés dans leur quête de liberté, tout comme il a nous accompagnés d’une manière professionnelle, nous qui étions alors ses jeunes confrères au sein de la rédaction de Maroc Hebdo International.

Anarchiste! Anticonformiste! Rebelle! Aucun de ces trois qualificatifs ne caractérisait Mohammed Amale Samie. Ce nietzschéen était plutôt un esprit dégagé de tout préjugé. Dit autrement, un esprit libre, une âme indomptable. Cela a fait d’ailleurs de lui une personne extrêmement créative et fascinante (Cf. sa célèbre chronique Faut-il vous l’envelopper? www.maroc-hebdo.press.ma), n’hésitant pas à demander la contribution de ses confrères à ses articles, en termes de paragraphes. Il savait bien «broder» ses articles tant sa maîtrise des sujets traités était sans faille.

En tout état de cause, ses valeurs de dévouement, d’empathie sont perpétuées au sein de ASIDD, son association, qui offre, comme lui, un amour inconditionnel aux démunis autour de sa retraite montagnarde, ces dernières années, sur les hauteurs de Béni Mellal. l disait et répétait à qui voulait l’entendre «Je suis heureux où je suis». Le connaissant, j’imagine que oui. Je n’en doute pas d’ailleurs, pour lui, que c’est ça d’être satisfait de la vie qu’on aime. De la vie que Mohammed Amale Samie a choisi de mener, aidé en cela par une dame de coeur, Latifa, son épouse, qui l’a accompagné jusqu’au bout même dans ses pires moments de délire, et sans jamais jeter l’éponge. Merci mère-courage.

Face à elle, le soir de la veillée mortuaire, les mots pour témoigner de ce que je ressens face à la disparition de cet être qui m’est cher m’ont fait défaut. D’ailleurs, c’est connu, il ne peut y avoir de mots assez forts, en pareilles circonstances, pour soulager nos peines. Mais, pour avoir perdu un autre être cher, mon papa en l’occurrence, je mesure la douleur qui s’abat sur Latifa, sur Ghita et Réda, ses enfants, sur sa mama n, Haja, et sur son frangin, Dr. Brahim Samie et sur toute sa famille. Mais il y avait une telle pudeur, une telle dignité dans toutes ces personnes venues lui rendre un ultime hommage qu’il semblait supplanter ces âmes en peine. Ici et là, par groupes d’affinité, dans la maison familiale où se tenait le deuil, on se souvenait de ses saillies et blagues, restées mémorables. Avec un tempérament de batailleur, il avait une réputation d’homme de coups et de scoops dévastateurs, incarnant alors une nouvelle race de journalistes.

Tout le monde se rappelle encore de sa diatribe, dans un français parlé dont seul lui avait le secret de la formulation, s’adressant au juge dans l’affaire dite Le chauve de la rue El Brihi (Cf. maroc-hebdo.press.ma). «Votre honneur, est-ce que vous mettre en gnoufe toute personne que me traiterait de barbu!», avant de montrer du doigt feu Aziz Chihal, avec qui il était en procès et de remettre une couche: «Il est chauve, n’est-ce pas votre honneur!». La suite, on la connaît. Amale Samie est incollable. Preuve. Même le fkih qui présidait à ses obsèques dira de lui que «l’homme était pieux», pour sûr! Peu importe. Je t’aime, Sidi Mohammed Amale Samie. Avec tous ceux qui comme moi t’aiment, je te remets à Allah. Repose en paix, grand frère.

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