La guerre du phosphate n'aura pas lieu

Mostafa Terrab, Président Directeur Général du groupe OCP.

Un an après sa saisie en Afrique du Sud, sur demande du Polisario, la cargaison de phosphate a été restituée à l’OCP. Un échec cuisant pour les séparatistes.

Quelle histoire que cette affaire du navire Cherry Blossom, ce bâtiment transportant une cargaison de phosphates de l’OCP immobilisé depuis près d’un an à Port-Elizabeth, en Afrique du Sud! Voici quelques jours à peine, le 7 mai 2018, le groupe chérifien a obtenu finalement gain de cause. Le droit a prévalu malgré toutes les manoeuvres. Le navire est aujourd’hui en haute mer avec ses 55.000 tonnes de phosphates en direction de Laâyoune. Quelle histoire donc et, au final, quelle défaite pour le Polisario!

Le récit s’impose à l’évidence; il permet d’appréhender les tenants et aboutissants de ce dossier «contentieux», artificiel, monté de toutes pièces par le mouvement séparatiste, ses suppôts d’Alger et d’ailleurs. Il a connu un premier banc d’essai le 18 mai 2017 avec une première opération de saisie d’un navire transportant des phosphates de l’OCP et transitant alors par Panama. Une quinzaine de jours plus tard, cette procédure est jugée irrecevable par une cour de ce pays.

Nouvel axe de propagande
Dans son jugement, celle-ci invoque qu’elle n’est pas une juridiction compétente au motif que les tribunaux panaméens n’ont pas de compétence universelle et qu’ils ne peuvent donc statuer sur des questions de cette nature relevant de la politique internationale. Le 29 mai 2017, voilà que le Polisario, pensant ouvrir un nouveau front, cette foisci en Afrique du Sud, obtient d’un juge local de permanence ce jour férié une saisie conservatoire du navire Cherry Blossom. La requête séparatiste avait été préparée de longue main puisqu’elle s’articule autour d’un document de pas moins de 300 pages. Quelle célérité pour le confectionner en quelques jours! Par-delà cette demande de saisie frappant ce cargo, les avocats du Polisario demandent que soit rendue une ordonnance par cette cour locale statuant pratiquement sur la «propriété» de la cargaison de phosphates provenant de la filiale Phosboucraa de l’OCP et, partant, sur la globalité des ressources des provinces sahariennes récupérées.

Le 13 juillet, le groupe OCP décide de ne pas être partie judiciaire. Il conteste et réfute toute légalité et toute légitimité à cette cour sud-africaine qui avait décidé de renvoyer l’ensemble du dossier à un jugement au fond. La manoeuvre était grosse: engager le Maroc dans un procès durant des mois face au Polisario pour des visées médiatiques et politiques, donnant ainsi une visibilité au mouvement séparatiste. C’est d’ailleurs là le nouvel axe de la propagande du Polisario, qui n’est plus audible ni crédible sur le dossier des droits de l’Homme prétendument bafoués dans le Sahara marocain: il enfourche désormais et de plus en plus le volet «ressources naturelles» (phosphates, pêche, agriculture, …).

Propriété autoproclamée
C’est à bon droit que l’OCP et le Maroc n’ont pas voulu créer un lien processuel avec le Polisario dans le cadre d’une cour locale sud-africaine. C’eût été, dans le cas contraire, enfreindre les normes et les principes du droit international et accepter, ce faisant, de voir un État souverain avec tout son ordre juridique interne se soumettre à l’autorité d’une norme supérieure représentée par une cour locale. Au reste, qu’est-ce qui aurait pu expliquer d’une manière ou d’une autre, quelque intérêt éventuel pour cette cour sud-africaine à pouvoir se saisir de ce dossier? L’on a en effet affaire à un client de Nouvelle Zélande, un armateur gréco-japonais, à un opérateur de navire anglais… et à un fournisseur marocain.

Pourquoi aussi avoir déclaré recevable une requête des séparatistes qui ne peuvent exciper d’aucun titre pour tenter de faire valider un droit de «propriété» autoproclamé, virtuel pour tout dire. Si bien que le refus marocain a été notifié le 13 juillet, précisément auprès de The Registre of the High Court (bureau d’ordre du tribunal de première instance) sous la référence 1487/2017 et non pas auprès du juge compétent. Une manière claire de ne pas créer un lien d’instance.

Il ne pouvait pas en être autrement parce que l’OCP défendait un principe: celui du respect de la légalité internationale respectueuse de la souveraineté des États. Comment pouvait-on en effet adopter une autre position alors que le tribunal sud-africain s’était dès le départ mis hors champ juridique en décidant une mesure de saisie conservatoire d’un navire à tous égards étranger à sa compétence et à celle des plus hautes juridictions de ce pays? Le parti pris était patent dès le début de la procédure.

Une procédure viciée
Dès la première phrase de l’ordonnance rendue, ce tribunal précise qu’«on dit que le territoire du Sahara occidental est le seul territoire africain encore soumis à la domination coloniale» et qu’il est «sous l’occupation marocaine». A-t-on vu un jour un tribunal dans le monde fonder un considérant sur un ouï-dire! Dans cette même ligne, il croit utile d’ajouter que «la majorité du peuple sahraoui vit à l’est du mur ou dans des camps de réfugiés en Algérie»; pour conclure que «ceux pouvant bénéficier de l’exploitation du phosphate ne sont pas le peuple du territoire mais plus probablement les colons marocains». Niet donc du groupe marocain à toute participation à quelque procédure judiciaire aussi viciée à la base; était écartée en même temps l’option qui pouvait s’offrir avec un autre acte: celui du paiement d’une caution. Cette possibilité aurait conduit à donner ainsi une caution bancaire de 5,5 millions de dollars US pour permettre alors au navire Cherry Blossom de quitter les eaux territoriales sud-africaines. Ce refus a été dicté par plusieurs raisons, liées entre elles d’ailleurs. La première, c’est que le versement de cette caution aurait signifié l’acceptation de la compétence juridictionnelle des tribunaux sud-africains pour trancher sur le fond. C’était inacceptable par principe pour le Maroc en ce sens qu’une juridiction étrangère aurait eu compétence pour statuer sur une question relevant de la stricte souveraineté d’un État.

L’autre raison a trait au fait que l’affaire était non pas juridique ni juridictionnelle mais politique. Enfin, le montant de la caution aurait été versé au Polisario, qui aurait alors instrumentalisé cet acte comme une «juste» réparation et un dédommagement donc de ressources naturelles, phosphatières en l’occurrence, se trouvent dans ses «territoires libérés» et dont il serait le protecteur et le garant.

La mobilisation de l’OCP s’est aussi déployée sur d’autres fronts à l’international. Ainsi, a été instamment sensibilisée et même alertée la communauté internationale à propos des droits légitimes de propriété de l’OCP sur la cargaison de phosphates; ont été plus particulièrement ciblés les grands opérateurs de l’industrie, du commerce, du trafic maritime pour leur signifier que l’OCP réservait par avance tous ses droits et que le groupe chérifien poursuivrait en justice et en tout lieu tout acheteur éventuel de la cargaison. Ce serait en effet un acte caractérisé de piraterie internationale, la cargaison ayant fait l’objet d’un vol et les acheteurs devenant coupables de recel.

Mobilisation à l’international
Le Polisario s’est démené sous toutes les latitudes pour tenter de fourguer la cargaison. Ses VRP se sont rendus, notamment, au Brésil, en Chine, au Canada, en Australie, même au Venezuela –en vain. Ce dernier pays est pourtant l’un des soutiens les plus actifs des séparatistes… La demande de l’armateur de vente judiciaire formulée par référé en novembre 2017 traîne. Il faudra attendre le 23 février 2018 pour qu’il obtienne la vente de la cargaison de phosphate saisie.

Elle traduit, par ailleurs, l’échec des séparatistes et de leurs alliés à tenter de commercialiser celle-ci. Même des traders casse-cou ou aventuriers ne s’y sont pas risqués parce que le marché mondial était au fait qu’elle était «toxique». Faute d’une conclusion de vente, voilà que le 7 mai se produit un acte qui va bouleverser toutes les perspectives envisagées par le Polisario. Référence est faite à la décision du même tribunal sud-africain d’autoriser la cession judiciaire au profit, cette fois, de l’armateur, le Polisario ayant échoué à trouver un acheteur. Il doit s’acquitter en contrepartie des frais de l’adjudicataire judiciaire, environ 400.000 dollars, couvrant divers frais.

Une cargaison “toxique”
Il faut le dire tout net: la décision du tribunal sud-africain est pour le moins surprenante. Elle exclut en effet le Polisario alors qu’il a actionné toute sa procédure sur sa qualité d’ayant-droit, de propriétaire de la cargaison, et qu’au surplus c’est précisément sur la base de ce même titre de «propriété» qu’elle avait donné suite, le 29 mai 2017, à sa demande de saisie du navire. Une situation pour le moins inédite où un propriétaire présumé et dont les prétentions n’ont pas été invalidées qui se voit écarter des fruits produits de la vente de la cargaison de phosphate au profit d’une autre partie. Que tirer de tous ces épisodes? L’hostilité de l’Afrique du Sud. C’était connu depuis des décennies. Mais ce qui est encore plus problématique, c’est que le ministère des relations internationales et de la coopération de ce pays a été agréé comme partie dans cette procédure alors qu’il n’a aucun intérêt à ester en justice en l’espèce.

L’échec du Polisario est cuisant. Il escomptait une sorte de «guerre du phosphate»; il l’a perdue. Il voulait que le Maroc engage avec lui un bras de fer judicaire dont les rebondissements et les épisodes lui auraient donné une forte médiatisation, une plateforme de propagande. Il se souciait aussi d’arracher et de faire valider une décision de saisie qui aurait créé une nouvelle jurisprudence à son bénéfice et qui se serait prolongée à d’autres navires phosphatiers affétés par l’OCP; aussi à des ventes de poissons, d’agrumes… De quoi conduire à conforter un statut international et une personnalité juridique à part entière devant être alors prise en compte par les Nations Unies, qui ont en charge le dossier du Sahara marocain.

Obstination et détermination
Enfin, comment ne pas apprécier et saluer le travail entrepris par le groupe OCP et le Maroc? La démonstration a été faite de nos capacités à défendre nos droits partout, avec obstination et détermination. Le Roi a suivi au plus près cette affaire et veillé à donner des orientations conséquentes et opératoires. Le management de l’OCP, dirigé par Mostafa Terrab, président-directeur général, a été à la manoeuvre durant pratiquement un an. Quelle belle victoire que de récupérer le navire et sa cargaison pour un dollar symbolique. Une stratégie a été mise au point qui a fini par porter ses fruits.

Le groupe OCP bénéficie d’une crédibilité internationale qui a pesé et qui a joué pour que les manoeuvres des séparatistes fassent long feu. Le groupe OCP a rendu un grand service à l’ensemble de la communauté internationale et en particulier aux professionnels du commerce maritime, à savoir le primat de la loi et du droit. Comme l’a relevé Philippe Delebecque, président de la chambre maritime de Paris et professeur à Paris Sorbonne. Il faut à cet égard rendre grâce au groupe OCP...

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