Gouvernement, au travail !

Mustapha Sehimi

L’on vit aujourd’hui non pas une crise , comme en 2017, mais une carence institutionnelle.

Quel est le climat en ce début 2018? La pluviométrie se rattrape, ces dernières semaines, mais il semble bien que la campagne agricole soit modeste. Les prévisions de croissance sont de l’ordre de 3%, contre 4,1% en 2017. Et puis, il est difficile de faire mieux parce que des réformes structurelles n’ont pas été mises en œuvre. L’on en parle volontiers comme si cela pouvait suffire, mais encore rien de bien opérationnel.

Plusieurs dossiers sont en panne. Pourquoi le Conseil de la concurrence prévu par la Constitution est-il encore en hibernationation? Qui bloque? Il faut y ajouter, plus globalement, le débat relancé par le discours royal devant le Parlement, voici trois mois, sur la nécessité d’un nouveau modèle économique de développement. La question est d’importance et tourne autour de cette double problématique: évoluer vers un modèle privilégiant l’offre au lieu de la demande en améliorant et en élargissant la capacité productive pour mieux s’insérer dans la compétitivité internationale; œuvrer aussi à une «autre» redistribution des fruits de l’expansion. Ce qui revient à se préoccuper du climat d’affaires et d’investissement.

Dans le domaine social, il y a aussi beaucoup de pain sur le planche. Où est passé le projet de loi sur la réforme du code du travail de 1984? Il se trouve dans le «pipeline » sans que l’on en voie la sortie. C’est que le dialogue social est à l’épreuve et que le gouvernement actuel n’a pas la capacité de décider, au final, des questions délicates, à forte charge, comme la flexibilité et le droit de grève. Même attentisme pour ce qui est de la réforme du système éducatif. Un projet de loi-cadre, recommandé par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique s’est prononcé dans ce sens en application d’orientations royales.

Ce texte a été adopté par le Conseil de gouvernement du 4 janvier 2018. Il reste à le faire approuver par le Conseil des ministres puis à le soumettre à la délibération du Parlement. Cela prendra des mois et l’on sera satisfait s’il est publié à la fin de ce premier semestre 2018, avec les textes d’application nécessaires. Mais déjà, voilà qu’il polarise le débat avec une controverse sur la fin de la gratuité des droits d’inscription dans les universités, avec des premiers remous même dans les rangs des députés PJD.

Une situation qui pose en des termes nouveaux la situation de la stabilité de ce cabinet El Othmani nommé le 5 avril dernier 2017 et investi à la fin de ce même mois par la Chambre des représentants. Quels sont les paramètres de fragilité? A ce jour, vendredi 12 janvier 2018, quatre ministres renvoyés le 24 octobre dernier, n’ont pas été remplacés, la gestion de ces départements étant assurée par d’autres membres du gouvernement à titre d’intérim. Intérim donc! C’est ce que l’on appelle une forme d’expédition des affaires courantes. Une situation d’autant plus préoccupante que l’on a affaire à des ministères importants: l’Éducation nationale; la santé, où tout est pratiquement en panne; l’habitat aussi. Les nouveaux ministres, une fois nommés, seront liés par les budgets et les programmes de leurs prédécesseurs tout au long de l’exercice 2018.

L’on vit aujourd’hui non pas une crise , comme en 2017, mais une carence institutionnelle qui porte atteinte à l’autorité du Chef du gouvernement puisque cela fait 80 jours que son cabinet est incomplet. El Othmani est également affaibli par un autre fait, à savoir la division de son parti après le 10ème congrès des 9-10 décembre 2017. De plus, cela ne peut que diminuer sa capacité de direction et d’arbitrage au sein même de son cabinet, ses alliés ne manquent pas d’optimiser une telle situation –on le voit avec l’«activisme » de Aziz Akhannouch, président du RNI, mobilisé comme s’il était déjà en campagne électorale … avant terme!

Comment arriver à capitaliser une capacité d’incarnation réformatrice à la tête de l’Exécutif? Tel est challenge d’El Othmani. La contestation sociale à Jerada après les «émeutes de la soif» à Zagora, la lettre royale sur la gestion des biens Habous et tant d’autres questions requièrent en effet une autre gouvernance; pas des effets d’annonce et des commissions mais un cap, un programme, un échéancier et le ferme engagement à mener les réformes qui n’ont que trop tardé. Alors, au travail! Un voeu pieux pour certains, qui estiment que, en dernière analyse, ce gouvernement, en l’état, ne peut pas vraiment entreprendre du réformable – il gère...

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