Débat sur l’utilité du bicaméralisme

Mustapha Sehimi Mustapha Sehimi

Voilà que rebondit,  à l’occasion des  résultats du scrutin  du 2 octobre  2015, le débat sur  l’utilité, voire la légitimité, de  la Chambre des conseillers.  Invoquant la place présumée  qu’a eue l’argent dans l’élection  d’une bonne partie des 120  membres, l’argumentaire mis  en avant à cette occasion traduit  une attaque en règle contre  l’existence même de cette institution.  Or, l’on confond celle-ci  et le processus jugé condamnable  de la désignation d’une  grosse fournée de ses membres;  un amalgame proprement irrecevable.

Il faut observer, pour commencer,  que le système d’un  parlement avec deux chambres  est de plus en plus élargi. Il est  même en progression puisqu’on  le retrouve dans pas moins de 80  pays dans le monde, notamment  en Amérique du nord et latine,  en Afrique et dans 13 pays de  l’Union européenne. Au Maroc,  la formule retenue depuis un  demi-siècle présente un intérêt  particulier. Dans la première  Constitution de 1962, avait été  prévu un système bicaméral,  avec la Chambre des représentants  et la Chambre des conseillers.

Un modèle remis en cause en  1970 puis en 1972 et 1992 avec une  seule Chambre composée de deux  tiers élus au suffrage universel  direct et le dernier tiers au scrutin  indirect. C’était là la cohabitation  dans un même organe de deux catégories  de parlementaires. Avec la  Constitution de 1996, c’est le retour  au bicaméralisme. La Chambre des  conseillers se voit même dotée de  moyens particuliers –inédits en  droit comparé– lui permettant de  mettre en cause la responsabilité  politique du gouvernement par le  vote, elle aussi, d’une motion de  censure.

Avec la nouvelle Constitution de  juillet 2011, cette prérogative lui est  enlevée. De plus, cette Chambre  représente davantage les territoires  (communes, provinces, préfectures  et régions, pour trois cinquièmes  de ses membres 72) et deux cinquièmes  (48) pour les acteurs  économiques et sociaux (patronat, syndicats, salarié). Cette institution  présente plusieurs avantages  cumulatifs: celui de la stabilisation  et de la conciliation; celui d’une  amélioration de la production  législative; enfin, celui d’une meilleure  représentation de la réalité  nationale et de ses diverses composantes.  Moins directement soumise  à l’actualité et à la conjoncture,  avec leurs emballements et leurs  crispations, la Chambre des  conseillers peut mieux affirmer  son indépendance, rendant plus  aisé l’exercice de son contrôle de la  politique gouvernementale.

Au Maroc, l’on a un bicamérisme  sociétal, différent par nature du  type aristocratique (chambre des  Lords, en Grande Bretagne) ou politique,  prévalant surtout dans les  États fédéraux. Il permet d’associer  des représentants d’élites différenciées  liées au pluralisme social. Et il  a sa place et sa légitimité, qui n’ont  rien à voir avec le Conseil économique  et social qui, lui, n’a pas  d’attributions législatives, confiné  qu’il est à une fonction consultative.  Ce n’est ni un “fardeau” ni un  “luxe” mais la condition nécessaire  d’une consolidation de la démocratie  parlementaire. Aux partis  de s’insérer pleinement dans cette  voie en veillant dans leurs rangs à  mieux choisir leurs candidats!.

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