ALLAL BENLARBI: La darija ne peut pas être une langue d'enseignement

ALLAL BENLARBI secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement.

Comment réagissez-vous à l’introduction de darija dans les programmes scolaires?
Je ne sais pas pourquoi ce genre de faux débat et de faux problème ressurgit de temps à autre. Pourquoi demander à introduire la darija comme langue d’enseignement alors que la loi est claire, notamment la Constitution, qui consacre l’arabe comme étant la langue officielle avec le tamazight? Le Conseil supérieur de l’éducation lui aussi ne parle que de l’arabe comme langue d’enseignement avec une ouverture sur les langues étrangères… Pour moi, il n’y a pas de débat là dessus, sauf à vouloir porter atteinte à nos valeurs identitaires.

Oui, mais n’empêche que ceux qui défendent la darija ont eu gain de cause avec l’introduction de certains termes dans les manuels scolaires...
C’est Noureddine Ayouche qui mène ce soi-disant combat pour la darija. Mais il sait très bien que ce n’est pas possible puisque la darija est loin d’être standardisée et ne peut obéir aux règles pédagogiques. Introduire des termes du langage courant dans les manuels scolaires peut être considéré comme une erreur à corriger. Mais ce qui est grave, c’est qu’on a détourné les regards des Marocains vers un sujet qui n’a même pas droit de cité. Avec la rentrée scolaire, c’est toute la réforme du système de l’enseignement qui aurait dû être débattu. Ce sont les questions de la revalorisation de nos diplômes, de la mise à niveau et de la mise à jour de nos programmes et de la qualité de notre enseignement qui auraient dû être discutées. M. Ayouche sait très bien où se trouvent les vrais problèmes de l’école marocaine mais il choisit des thèmes sans importance juste pour noyer le poisson, comme on dit…

On n’a pas vu de vrais spécialistes s’exprimer sur le sujet…
La réforme de l’école n’est pas une question de spécialistes uniquement, elle est aussi du ressort des politiques et des acteurs de la société civile. Abdellah Laroui, l’un des grands intellectuels marocains, avait posé le problème il y a des années déjà et avait conclu en disant que dans le préscolaire, on peut recourir à des mots en darija pour faciliter l’apprentissage des enfants, juste le temps qu’ils s’adaptent à l’école et fassent leur premiers pas d’écriture. Les spécialistes ont souvent parlé du cas de Malte, ce petit pays méditerranéen, ouvert sur le monde de par sa situation géographique en pleine mer, qui s’est retrouvé avec une langue nationale sans réelles règles puisque composée de plusieurs autres langues. Finalement, l’enseignement à Malte se fait en anglais et non en langue nationale. Ceux qui font du lobbying pour la darija à l’école ne sont-ils pas en train de créer des problèmes plus sérieux d’acculturation et de déracinement des générations actuelle et future?

En tant que Syndicat de l’enseignement, vous allez demander la suppression des mots en darija des livres scolaires?
Comme je vous l’ai dit, la darija n’est pas une langue reconnue par la loi suprême qu’est la Constitution. Elle ne peut être une langue d’enseignement, c’est également un fait. Les déclarations du chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, à l’agence Maghreb arabe presse (MAP) peuvent être considérées comme un moyen de désamorcer cette crise et pourquoi pas retirer ces mots des manuels scolaires. Mais les maux de notre enseignement sont plus graves puisque d’ordre structurel. Le Maroc accuse un retard monstre en matière d’éducation et on n’a pas le droit de perdre du temps dans de faux problèmes et dans des questions hors sujet.

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