Abdellah El Firdaous: "il faut arrêter de s'abriter derrière l’institution monarchique"

ABDELLAH EL FIRDAOUS,
membre du bureau politique de l’Union constitutionnelle

Votre parti n’a pas réagi aux condamnations des activistes du Rif. Qu’en dites vous? La réconciliation avec le Rif est une nécessité, il faut renouer le dialogue, c’est tout le sens de la régionalisation avancée, qui n’en est qu’à ses débuts. Bien entendu, il faut respecter le temps judiciaire, mais, de l’avis unanime, les condamnations étaient sévères, sauf pour les prévenus qui auraient du sang sur les mains. Mettre le feu à une résidence de fonctionnaires de police est intolérable.
Je rappelle que des centaines de membres des forces de l’ordre ont été blessés, parfois grièvement, pour protéger la sécurité des biens et des personnes. Le tout premier des droits de l’Homme est la sécurité et l’intégrité physique.

Ce qu’a connu la Rif n’est pas isolé, la situation économique et sociale grave a conduit à la campagne de boycott.
La situation n’est pas bonne, malgré des fondamentaux macro-économiques qui demeurent solides, meilleurs en tout cas que dans beaucoup de pays comparables qui connaissent des taux d’inflation à deux chiffres. Le moral économique est en berne parce qu’il y a un problème de confiance dans secteur privé national. Le Maroc est en train de passer à une nouvelle étape de son développement où le moral et la confiance, autrement dit les fondements immatériels de la croissance, prennent une place plus importante que par le passé.

Pour certains, rien ne peut évoluer sans une réforme de la monarchie…
Ils se trompent, mais ce ne serait pas la première fois qu’ils font une lecture erronée de la situation politique nationale. Ce type de double discours est une maladie infantile de la démocratie, c’est d’abord un signe d’immaturité. La transition démocratique est un choix définitif, c’est aux acteurs politiques d’assumer leurs responsabilités et d’arrêter de s’abriter derrière l’institution monarchique à chaque difficulté.

Oui, mais une réforme constitutionnelle s’avère nécessaire…
Vous avez remarqué que S.M. le Roi a précisé que le modèle de développement incluait le modèle politique, et qu’il a constaté que le modèle institutionnel marocain était resté, je cite, «lettre morte». C’est un message fort qui appelle des propositions de la part des partis politiques et des forces vives. L’UC prendra sa part dans cette réflexion nationale. Il faut, par exemple, envisager le retour au scrutin uninominal et un renforcement significatif du statut des alliances de partis politiques prévues par la loi organique 33-15.

Comment comptez-vous agir pour que l’UC retrouve du poids et donne de la voix?
Notre objectif n’est pas que l’UC «retrouve du poids», ce n’est qu’un moyen car le parti passe après le pays. Notre but premier est que les jeunes Marocains retrouvent confiance dans leur pays; le Maroc a tout pour réussir. Les cadres de l’UC travaillent sur un mémorandum pour le nouveau modèle de développement, c’est une réflexion à laquelle sont associés les jeunes doustouris qui se sont réunis plusieurs fois dans le cadre de master-class pour faire remonter leurs propositions. L’appropriation par les jeunes Marocains du nouveau modèle de développement est au moins aussi importante que le contenu du modèle lui-même.

La suppression de la compensation a été d’un coût politique et social énorme. Pourquoi l’UC n’a-t-il pas fait de propositions plus audacieuses?
Je rappelle que l’UC n’était pas partie prenante de la mandature qui a réalisé cette réforme. Notre point de vue est que la réforme de la compensation était une bonne décision pour l’avenir, mais, comme toujours, c’est l’exécution de la réforme qui n’a pas été à la hauteur, notamment les mesures d’accompagnement. Par ailleurs, le sucre continue d’être subventionné alors que le niveau de la consommation par personne fait du Maroc l’un des pays au monde les plus sujets au diabète, qui coûte cher en terme de santé. Il faut être cohérent.

L’UC se retrouve-t-il vraiment dans l’action de la majorité ou y a-t-il des réglages à faire?
L’UC est solidaire de l’expérience gouvernementale, mais il faut aussi comprendre l’origine des difficultés structurelles en matière de pilotage d’une majorité comprenant six partis. Il faut tirer les leçons du blocage gouvernemental qui a précédé la constitution de la coalition actuelle. L’article 47 de la constitution gagnerait à être amélioré pour que la présidence du gouvernement aille au premier parti au sein de l’alliance de partis majoritaires, dans le cadre de coalitions annoncées avant les élections sur la base de plateformes claires.

La confiance des citoyens passe par cette clarté, qui devient maintenant nécessaire. Les coalitions post-électorales ont un effet dévastateur sur la confiance du citoyen dans le système politico-électoral.

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